Le président burundais ne participera pas à la réunion des chefs d'État d'Afrique de l'Est qui se tient à Dar es Salam, en Tanzanie. Destiné à trouver une issue à la crise burundaise, ce sommet ne devrait pas débloquer la situation.
"Le président Nkurunziza n'ira pas à Dar es Salam". Par la voix de son porte-parole, le chef de l’État burundais a indiqué qu’il ne se rendra pas au sommet des chefs d'État d'Afrique de l'Est qui se tient, dimanche 31 mai, dans la capitale économique tanzanienne.
Les dirigeants du Rwanda, de la Tanzanie, du Kenya, de l’Ouganda, de la RD Congo et du Burundi se retrouvent pour tenter de trouver une issue à la crise burundaise, après un mois de contestation populaire contre la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat à la présidentielle du 26 juin.
Une première rencontre le 13 mai, déjà à Dar es Salam, avait été bouleversée par une tentative de coup d'État contre le président burundais, présent au sommet. Son retour au pays avait précipité l'échec du putsch, mais pas permis d'étouffer la fronde dans les rues, qui se poursuit quotidiennement depuis fin avril et a fait plus d'une trentaine de morts.
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Pour les observateurs, le sommet des États de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) ne devrait pas bouleverser la situation même si Pierre Nkurunziza fait face au mécontentement croissant de ses pairs. Le Rwanda de Paul Kagame, qui se pose comme un pôle de stabilité régionale, ne cache plus son irritation envers son ancien allié burundais. La Tanzanie a elle aussi pris ses distances. L'Ougandais Yoweri Museveni distille ses conseils, mais entretient savamment l'ambiguïté. Le Kenya est traditionnellement plutôt distant vis-à-vis des Grands Lacs, tandis que la RD Congo serait peut-être la plus conciliante. La plupart de ces acteurs régionaux sont directement concernés, notamment le Rwanda, et surtout la Tanzanie, qui accueillent plusieurs dizaines de milliers de réfugiés Burundais.
La Tanzanie s'était beaucoup impliquée en son temps, derrière l'Afrique du Sud et l'Union Africaine (UA), dans la négociation des accords de paix d'Arusha, qui avaient mis fin à la guerre civile (1993-2006). Elle ne voit évidemment pas d'un bon œil la remise en cause des acquis d'Arusha qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels.
Parmi les puissances occidentales, la Belgique et les États-Unis sont les plus critiques. La France joue la discrétion, et se réfugie derrière l'UE.
"Changements a minima"
Dans ce jeu diplomatique, "la seule ligne officielle pour le moment, c'est un report des élections", même si "en coulisses, tout le monde est contre un troisième mandat, résume à l’AFP Thierry Vircoulon, d’International Crisis Group. Si les pays de la région évoquent ce troisième mandat, ce serait plutôt une bonne surprise".
it"Il est peu probable que les pays de l'EAC se prononcent sur l'enjeu au cœur de la crise. Ils sont eux-mêmes mal placés puisque, hormis le Kenya, ils sont tous aussi concernés par la question des mandats", rappelle à l’AFP André Gichaoua, expert de la région. On peut attendre "peut-être un décalage de la date des élections et quelques changements a minima", pronostique-t-il. "Mais sur le fond, un report ne règle rien", souligne Thierry Vircoulon. Il ouvre simplement dans l'immédiat la possibilité de discuter. Or, le camp Nkurunziza ne veut pas discuter".
Déjà repoussées de dix jours sous la pression internationale, des législatives et communales doivent se tenir le 5 juin, suivies de la présidentielle le 26 juin. Mais l'influente Église catholique a annoncé, mercredi, son retrait du processus électoral et l'UE a suspendu sa mission d'observation, jugeant que les conditions "ne permettent pas la tenue d'élections crédibles".
Sur le terrain, en tous cas, "la situation devient de plus en plus tendue", affirme à France 24 Carina Tertsakian, chercheuse à Human Rights Watch. "Il y a beaucoup de personnes qui quittent le pays, comme par exemple des journalistes ou des défenseurs des droits humains, qui ont été menacés à plusieurs reprises. Puis, il y a des dizaines de milliers de Burundais qui ont décidé de partir pour éviter le pire. Nous avons pu constater que la police a eu recours à la force de manière excessive et disproportionnée envers les manifestants, tirant parfois sur la foule sans distinction."
Avec AFP