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Un jihadiste britannique a mis en ligne un guide de la vie dans les territoires contrôlés par l'organisation de l'État islamique. Tellement idyllique qu’un spécialiste de la question le juge peu convaincant, même pour les sympathisants de l'EI.

Il y a des voitures sud-coréennes, des bonnes écoles et même des barres chocolatées : bienvenue au "califat" du mouvement terroriste État islamique (EI), revu et repeint en rose, par le jihadiste britannique Abu Rumaysah al-Britani. Ce Britannique de 31 ans, qui s’est installé en Syrie à l'automne 2014*, a publié en ligne un "Bref guide de l'État islamique", lundi 18 mai.

Propagande oblige, ce livre électronique ne fait aucune allusion aux multiples exactions, largement documentées par les médias, commises par les militants de l'EI sur le territoire qu’ils contrôlent. Les 46 pages sont tout à la gloire de ce qu'Abu Rumaysah appelle "un jeune État qui s'est rapidement hissé au sommet". Sauf que le ton dithyrambique et la multiplication des superlatifs à chaque page rendent l’ensemble "très juvénile et peu convaincant, même pour un sympathisant de l'EI", juge Charlie Winter, un expert britannique du jihadisme interrogé par le quotidien britannique "The Daily Telegraph".

"Kinder surprise, Bounty ou Kit Kat" au menu

Ce guide pratique du territoire jihadiste, divisé en neuf chapitres, tente de démontrer

que la vie quotidienne sous l’administration des islamistes de l’EI offre tout autant que le "rêve américain", mais en respectant les valeurs des fondamentalistes musulmans. Il vise clairement à donner l’impression que tout n’est pas que sang et larmes dans cette région.

Tout au plus, Abu Rumaysah al-Britani reconnaît-il que le réseau téléphonique mobile n'est pas encore au point. Mais heureusement "des applications comme Skype, Kik ou WhatsApp offrent d’excellentes alternatives", écrit-il.

Ce qui impressionne le plus ce trentenaire semble être la nourriture. Les "chawarma" sont "succulents", les cappuccinos sont "les meilleurs de la région" et les plus jeunes n’auront aucun mal à trouver leur "Kinder Surprise, Bounty ou Kit Kat". Surtout, les fruits et l’huile d’olive sont "bien meilleurs que ce qu’on peut trouver au Walmart ou au Tesco [chaînes de supermarchés américaine et britannique, NDLR] du coin".

Bientôt des trains et des zeppelins ?

Le réseau de transport est aussi "au top", d’après le très enthousiaste Abu Rumaysah al-Britani. Il y a des bus, des taxis "d’un jaune éclatant" et, pour ceux qui ont les moyens, des voitures de la marque (sud-coréenne) Kia ou des "motos chinoises (sic) Honda toute neuves". Et puis, il y a l'avenir. Ce jihadiste parie sur la construction d’aéroports, de lignes de chemin de fer mais, dit-il, "tout est possible : des zeppelins, des trams [...] et des ULM".

Tout cela serait parfait pour accueillir des personnes venues d’horizons variés. "Si vous trouvez que Londres ou New York sont des lieux cosmopolites, attendez de fouler le sol [du territoire sous contrôle] de l'État islamique", assure Abu Rumaysah al-Britani, sans pour autant donner d'exemple. S’en suit en revanche un inventaire de professions prestigieuses - universitaires, juges, médecins - exercées par ces "expats" du jihad que le Britannique assure avoir rencontrés. Ils seraient tous attirés par le climat méditerranéen, qui a tout ce qu’il faut pour favoriser le développement "d'hôtels luxueux pour vacanciers". Une référence au farniente qui peut paraître particulièrement absurde pour une région soumise à des combats incessants.

Cette plongée en jihad-land pourrait prêter à sourire s’il n’y avait pas le dernier chapitre. Baptisé "la mort du capitalisme", il est rédigé sur un ton beaucoup plus guerrier. Abu Rumaysah al-Britani y promet "non seulement de faire verser le sang dans les rue de Londres, Paris ou Washington, mais aussi de détruire [les] statues et d'effacer l’histoire [de ces villes]". Ce qui risque tout de même d'être un souci pour l'essor du tourisme culturel du "califat".