Les familles de trois enfants nés par GPA hors de France ont obtenu gain de cause auprès d'un tribunal de Nantes qui a autorisé leur inscription aux registres de l'état-civil. Une première en France.
Le tribunal de grande instance de Nantes a ordonné mercredi 13 mai l'inscription aux registres de l'état-civil de trois enfants nés de gestation pour autrui (GPA) à l'étranger, a-t-on appris auprès l'avocate des familles. Cette décision pourrait faire jurisprudence.
En France, la gestation pour autrui est pénalement réprimée. Interdite par une loi en 1994, elle est passible de trois années d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Jusqu’ici la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, a toujours refusé d'autoriser une reconnaissance de liens de filiation entre parents et enfants nés de GPA.
Les enfants nés par gestation pour autrui ne possèdent donc que des actes de naissance étrangers qui ne figurent pas dans les registres français. Par conséquent, ils ne peuvent pas obtenir de papiers d'identité français, ni d'immatriculation à la Sécurité sociale ou même d'allocations, conduisant à une situation absurde. Ils vivent sous le même toit que leurs parents, mais ne disposent que d’un passeport étranger.
Pour remédier à cette impasse, une circulaire dite "Taubira" signée le 25 janvier 2013 vise à leur faciliter l'obtention de la nationalité française. Le texte demande aux procureurs des tribunaux d’instance et aux greffiers de leur délivrer des certificats de nationalité. Validée en décembre dernier par le Conseil d'État, elle commence tout juste à être appliquée.
"La victoire du droit sur les tergiversations politiciennes"
Avec ce jugement du tribunal de Nantes, la justice accorde l'inscription aux registres de l'état-civil pour ces trois enfants nés en Ukraine, en Inde et aux États-Unis. Pour Me Caroline Mécary, l’avocate des familles qui s’est exprimée dans le quotidien Ouest France, la décision du TGI de Nantes "est une victoire pour chacun des enfants concernés". "C'est enfin la victoire du droit sur les tergiversations politiciennes auxquelles on a assisté au plus haut niveau de l'État", a-t-elle commenté, déplorant que la question "se règle dans le silence des tribunaux" plutôt que par une décision politique.
Certains élus reconnaissent pourtant l’absurdité de la situation administrative pour les enfants nés de GPA. "Nous sommes devant une contradiction. Je suis contre la GPA parce que c’est la marchandisation des corps [...] mais je ne veux pas des fantômes de la République", a affirmé jeudi matin Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale sur France Inter. Ces "fantômes de la République" seraient près de 200 selon les associations. "Une fois qu’ils [les enfants nés de GPA] sont là, [...] de chair et de sang, il faut qu’ils soient reconnus. C’est le droit de l’enfant qui doit primer", a estimé l’élu socialiste.
Mais sur le plan politique, la France reste bloquée. En octobre 2014, le Premier ministre Manuel Valls avait affirmé dans un entretien au journal catholique La Croix, que la reconnaissance des enfants nés par GPA resterait interdite car la transcription automatique des actes étrangers "équivaudrait à accepter et normaliser la GPA".
Loi française vs justice européenne
Sauf que la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) n’est pas de cet avis. L’instance a menacé la France de sanctions pour son refus de transcrire les actes de naissance étrangers des enfants nés par GPA aux registres d'état-civil dans deux arrêts rendus en juin 2014. Dans ces deux décisions, la Cour rappelait la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant sur l'intérêt général, soulignant que si la France a le droit d'interdire la GPA sur son territoire, elle ne peut pas porter atteinte à "l'identité" des enfants nés de mères porteuses à l'étranger en refusant de les reconnaître.
"Les deux arrêts de la CEDH sont devenus définitifs le 26 septembre 2014 et sont applicables immédiatement, conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation", a précisé l'avocate des familles, Me Caroline Mécary qui pense que les juges nantais ont suivi l’avis de la Cour européenne.
Une décision d’autant plus symbolique que le parquet de Nantes, compétent en matière d'état-civil pour toute la France du fait de la présence dans cette ville du service national qui lui est dédié, avait donné un avis contraire lors de l’audience en mars.
Avec AFP