
Selon un rapport commandé par le gouvernement sur l’insécurité dans les transports publics, 100 % des utilisatrices du métro, RER, bus ont été victimes au moins une fois dans leur vie d’un harcèlement. Un chiffre anxiogène à relativiser.
"Dans le métro un peu bondé, j’ai senti le sexe en érection d’un homme contre mes fesses. Il y avait beaucoup de monde, j’avais peur de ne pas être secourue et de me tromper. J’ai marché sur le pied de l’homme derrière moi et j’ai frappé sa poitrine avec mon coude, en faisant en sorte que ça passe pour accidentel. Ça l’a fait battre en retraite."
Voici l’un des nombreux témoignages qui parsèment le rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH) commandé par le gouvernement et remis jeudi 16 avril à la secrétaire d’État chargée des Droits des femmes, Pascale Boistard. Une déposition qui illustre le désarroi de nombreuses femmes dans les transports en commun, en France, en 2015.
Very savvy campaign by @osezlefeminisme to #takebackthemetro and combat harassment: http://t.co/BeVutHZEHA pic.twitter.com/uk53DfupfW
— Clue (@clue) 12 Novembre 2014Dans ce rapport qualifié de "grande qualité" par Marisol Touraine, la ministre de la Santé et des Droits des femmes, l’HCEFH pointe une dérive inquiétante du comportement des prédateurs dans les bus, RER, trains et métros du territoire français. Inquiétante au point d’avancer que "100 % des utilisatrices des transports en commun ont déjà été victimes au moins une fois dans leur vie de harcèlement sexiste ou d'agressions sexuelles". La totalité d'entre elles auraient donc été victimes de sifflements, de commentaires sur leur physique, de regards insistants, d’injures, de menaces, d’avances, d’attouchements ou pire, de viol. Le chiffre est tellement éloquent qu’il en devient intriguant.
Climat anxiogène
Contacté par France 24, l’HCEFH a relativisé ce pourcentage. Pour arriver à ce résultat, le Haut conseil a reconnu ne pas s'être appuyé sur un institut de sondage, mais sur un échantillon de 300 femmes ayant toutes participé à des "consultations citoyennes" qui avaient pour thème "la place de la femme dans l’espace public" et… "le harcèlement dans les transports". Toutes ces sondées étaient donc déjà concernées par le sujet en question.
Autre point dérangeant du rapport, l’absence de données sur l’âge et le lieu d’habitation de ces femmes. Ces dernières ont été interrogées en Essonne et en Seine-Saint-Denis, où se tenaient les "consultations citoyennes", explique l’HCEFH. Mais y habitent-elles ? Le chiffre de 100 % concerne-t-il ces deux seuls départements ou s’étend-t-il au territoire français ? Là encore, l'instance n’a pas précisé.
Ces approximations ne remettent en cause ni le problème de fond sur l’insécurité des voyageuses en France, ni sa gravité. Mais elles risquent de créer un climat anxiogène – voire de jeter un certain discrédit sur une étude à valeur officielle qui se veut un reflet exact de la situation des femmes.
Le gvt va prendre des mesures contre le harcèlement, suit #OLF #TakeBackTheMetro et @HCEfh http://t.co/UrfPX8Vf4f pic.twitter.com/OCwxS8vezt
— les nouvelles NEWS (@LesNNews) 16 Avril 2015Grand plan national d’action
Reste que le rapport a le mérite de rappeler certaines évidences - "Non, le harcèlement n’est ni de la drague, ni de la flatterie" - et de proposer plusieurs solutions pour aider le gouvernement à mieux protéger ses citoyennes. L’HCEFH présente ainsi une liste de 15 recommandations dont certaines s’inspirent de l’étranger, comme la mise en place du système "entre deux arrêts" qui permet à "une personne seule qui ne se sent pas en sécurité" de descendre d’un bus entre deux arrêts pour se rapprocher de sa destination. Ce programme existe déjà à Toronto, Québec ou Montréal.
Spotted this on New York subway: #NewYorkCity #sexualharassment #VAW pic.twitter.com/Xo6sbSjLof
— You Can Change This (@ChangeThis_Scot) 30 Avril 2014Autres préconisations : la création d’une rubrique sur Internet "pour encourager la remontée des signalements et le partage de témoignages entre usager.ère.s", le placardage d’affiches, de stickers, de messages audio dans le métro pour rappeler à l'usager ses droits et ses devoirs. Et surtout, la mise en place de dispositifs d’alertes plus visibles : bornes d’urgence sur les quais ou en gare, numéro d’alerte (3117) sur les tickets de métro et billets électroniques…
Autant de pistes de réflexion pour que les femmes puissent "circuler et occuper l'espace public sans être mises en danger ou menacées de l'être. C'est une liberté fondamentale", a déclaré Pascale Boistard. Le chemin semble encore long : selon une autre étude, citée dans le rapport, six femmes sur 10 craignent un vol ou une agression dans les transports franciliens.