
Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est rendu, mardi, à Téhéran dans un contexte international et régional particulièrement tendu. Fin mars, il avait accusé l’Iran de nourrir des ambitions de "domination", notamment au Yémen.
Visages fermés, poignée de main timide : la rencontre officielle entre les présidents iranien et turc a bel et bien eu lieu, mardi 7 avril, à Téhéran. Accompagné de plusieurs ministres, Recep Tayyip Erdogan a été reçu par son homologue iranien, Hassan Rohani, avant de rencontrer le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei. Et ce, en dépit d’un froid diplomatique qui glace les relations entre les deux pays frontaliers depuis fin mars et le début de l’intervention saoudienne au Yémen.
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Cette visite officielle, au cours de laquelle huit accords ont été signés afin de renforcer les relations commerciales et économiques entre Téhéran et Ankara, a pourtant bien failli ne pas voir le jour. Car derrière ces intentions de coopération - notamment l'augmentation du volume de leurs échanges commerciaux à 30 milliards de dollars d’ici fin 2015 - se cache une inimitié assumée par les deux dirigeants.
Lors de leur conférence de presse commune, retransmise par la télévision turque, les deux dirigeants ont toutefois tenté de faire bonne figure en minimisant leurs divergences sur la crise au Yémen. "Je ne regarde pas les appartenances religieuses. Chiite ou sunnite, peu m'importe. Ce qui m'importe, ce sont les musulmans", a ainsi déclaré le président turc, ajoutant que les responsables de la région devaient mettre un terme au conflit meurtrier qui oppose chiites et sunnites.
"Nous pensons tous deux qu'il est nécessaire d'observer aussi vite que possible la fin de la guerre et des effusions de sang au Yémen", a affirmé quant à lui son hôte iranien.
Les "insultes" d’Erdogan envers l'Iran
Des déclarations à l'opposé des déclarations d'Erdogan quelques jours avant ce déplacement. Il n’avait en effet pas mâché ses mots à l’encontre de l’Iran, qu’il avait accusé de nourrir des projets de domination dans la région. "L'Iran et les groupes terroristes [devaient] se retirer du Yémen", avait-il affirmé lors d’une interview accordée à France 24. "L'Iran essaie de dominer la région et ce ne sont pas des évolutions positives".
Depuis le 26 mars, une coalition arabe dirigée par l'Arabie saoudite mène des raids au Yémen contre des rebelles chiites soutenus par l'Iran, qui ont pris le contrôle de larges portions du pays. La Turquie, qui ne participe pas militairement à l'opération, soutient l’initiative saoudienne : Ankara a ainsi envoyé une mission de formation militaire et a évoqué un partage des renseignements avec la coalition.
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En réaction aux propos du président turc, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammed Javad Zarif, avait accusé Ankara d'alimenter l'instabilité au Moyen-Orient. Le chargé d'affaires de l'ambassade de Turquie à Téhéran avait été "invité" au ministère des Affaires étrangères iranien qui lui a demandé des "clarifications" sur les propos du chef de l'État turc.
Plus radicaux, certains journaux et députés conservateurs iraniens avaient pour leur part dénoncé les "insultes" de Recep Tayyip Erdogan et demandé à ce que sa visite soit annulée.
Outre le Yémén, la Turquie et l'Iran s'opposent également sur la Syrie. Téhéran est le principal allié régional du président Bachar al-Assad alors qu'Ankara soutient la rébellion syrienne.
Avec AFP