Ancien dirigeant-clé du régime de Pékin et ex-ministre de la Sécurité publique, Zhou Yongkang a été formellement inculpé pour "corruption" et "abus de pouvoir". Cette procédure ouvre la voie à un procès qui s'annonce historique.
L'ex-chef de la sécurité en Chine, Zhou Yongkang, a été formellement inculpé pour corruption, abus de pouvoir et divulgation intentionnelle de secrets d'État, rapporte vendredi 3 avril l'agence de presse Chine nouvelle. Âgé de 72 ans, cet ancien tout-puissant ministre a été arrêté et exclu du Parti communiste chinois (PCC) fin 2014 pour ces faits présumés.
L'acte d'inculpation l'accuse d'avoir "profité de sa position pour obtenir des avantages", "d'avoir accepté illégalement d'énormes actifs de la part d'autres individus", "d'avoir abusé de son pouvoir" et "causé d'énormes pertes" à l'État, a déclaré le Parquet populaire suprême dans un communiqué diffusé sur son site Internet.
Secrets d’État ?
Cette inculpation, lancée par un tribunal de Tianjin, dans le nord de la Chine, représente un pas supplémentaire dans la longue disgrâce de l’ancien ministre, qu'on n'a plus vu en public depuis l'automne 2013. Les faits reprochés à Zhou Yongkang s'étalent sur plusieurs décennies : lorsqu'il occupait un poste de directeur adjoint dans la compagnie pétrolière publique CNPC (China National Petroleum Corporation), quand il dirigeait le Parti communiste dans la province de Sichuan, et lorsqu'il était ministre de la Sécurité publique et membre du comité permanent du bureau politique, selon le Parquet.
Aucune date n'a été encore annoncée pour son procès. Le mois dernier, les médias officiels chinois assuraient qu'il s'agirait d'un procès "ouvert". Les experts juridiques notent cependant que les autorités prendraient alors le risque que l’inculpé révèle des secrets d'État.
Un autre Bo Xilai
Zhou Yongkang fut l'un des plus puissants dirigeants chinois dans les années 2000, siégeant au comité permanent du bureau politique du PCC, le plus haut niveau de pouvoir en Chine, et tenant les rênes de l'appareil de sécurité, l'un des postes les plus puissants du pays, jusqu'à sa retraite en 2012. Il avait rejoint le comité permanent du bureau politique en 2007 et dirigeait le comité des affaires politiques et judiciaires, qui supervise le maintien de l'ordre. Le budget de l'appareil de sécurité dépassait alors celui de l'armée.
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Sa position s'est affaiblie durant le grand remaniement de la direction chinoise fin 2012 qui a propulsé Xi Jinping à la tête du pays. Depuis 2013, plus de 300 de ses proches, alliés politiques, associés en affaires, subalternes ou employés ont été arrêtés, placés en détention ou interrogés.
En ordonnant une enquête à son encontre, Xi Jinping a brisé un accord tacite en vertu duquel les anciens membres du comité permanent du bureau politique n'étaient pas inquiétés après leur départ à la retraite. Zhou Yongkang est considéré comme le plus haut personnage du régime tombé en disgrâce depuis près de quarante ans.
Pour certains observateurs, cette affaire de grande ampleur est la suite du procès de Bo Xilai, autre grand ténor déchu du PCC. "Zhou Yongkang a été l’un de ses plus importants soutiens", soulignait à l'époque de son arrestation Jean-François Dufour, président fondateur de l’agence de conseils DCA-China Analyse. "Bo Xilai représentait celui qui pouvait incarner l’opposition à la ligne Xi Jingping au Parti communiste, tandis que Zhou Yongkang était davantage l’homme de l’ombre exerçant son immense influence en coulisse."
Avec AFP et Reuters