
Alors que les négociations sur le nucléaire iranien se poursuivent jusqu'à demain soir, l'Iran a affirmé qu'il n'entendait pas exporter à l'étranger son uranium enrichi. Pour des analystes américains, cette déclaration s'apparente à une volte-face.
Tous les chefs de la diplomatie des grandes puissances et de l'Iran se sont retrouvés, lundi 30 mars à Lausanne, autour de la même table, afin de conclure un premier compromis, fondamental pour poursuivre les négociations sur le nucléaire iranien jusqu'à un accord final d'ici le 30 juin.
L'objectif est de s'assurer que l'Iran ne cherchera pas à se doter de la bombe atomique, en contrôlant étroitement son programme nucléaire en échange d'une levée des sanctions internationales qui étranglent l'économie iranienne depuis des années.
À quelques heures de l'échéance, Téhéran a cependant adopté une position déstabilisante pour les négociations en démentant catégoriquement avoir accepté d'exporter tout ou partie de son stock d'uranium faiblement enrichi. Ce stock s'élève à environ 8 000 tonnes.
"Nous n'avons pas l'intention d'envoyer les stocks d'uranium enrichi à l'étranger. Mais il y a d'autres solutions pour créer la confiance à propos de ces stocks, pour lever les inquiétudes à propos de toute utilisation autre que pacifique", a déclaré dimanche Abbas Araghchi, le numéro deux des négociateurs nucléaires iraniens à Lausanne. "Nous en avons discuté et nous sommes presque parvenus à une solution, mais il est hors de question d'envoyer ces stocks à l'étranger."
Pour Ray Takeyh, représentant du think tank américain "Council on Foreign Relations", cité dans les colonnes du "New York Times", cette décision "diminue les chances d'arriver à un accord fiable en termes de non-prolifération des armes".
Des obstacles épineux
Abbas Araghchi a toutefois affirmé que "parvenir à un accord [était] faisable". "Des solutions ont été trouvées sur de nombreuses questions. Nous travaillons encore sur deux ou trois questions et nous n'avons pas encore trouvé les solutions", a-t-il déclaré.
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L'un des plus épineux obstacles concerne la levée des sanctions liées à la prolifération nucléaire, prises par l'ONU depuis 2006. L'Iran voudrait les voir levées en bloc et immédiatement après la conclusion d'un accord, mais pour les pays occidentaux, cela ne peut se faire que graduellement, en fonction du respect des engagements pris par l'Iran.
Téhéran insiste aussi pour pouvoir faire de la recherche et du développement, notamment afin d'utiliser à terme des centrifugeuses plus modernes et plus puissantes pour enrichir l'uranium. Mais les pays occidentaux et Israël estiment que le développement à terme de telles centrifugeuses permettra à l'Iran de réduire le "breakout", temps nécessaire afin d'avoir suffisamment d'uranium enrichi pour fabriquer une bombe atomique.
"Je ne suis pas payé pour être optimiste"
D'autres points au cœur de la négociation semblent en revanche en passe de se régler, selon des sources occidentales et iraniennes.
Parmi eux, l'Iran aurait accepté de voir réduit à 6 000 le nombre de ses centrifugeuses, alors qu'il en dispose actuellement de près de 20 000, dont la moitié sont en activité. Par ailleurs, le site souterrain de Fordo, près de la ville sainte de Qom, pourrait rester en activité, à des conditions très strictes.
Dimanche soir, le chef de la diplomatie britannique Philip Hammond a dit espérer un "succès dans les heures à venir", jugeant un accord "possible" à condition qu'il mette la bombe atomique "hors de portée" de l'Iran.
Quoi qu'il en soit, la possibilité d'une entente sur le nucléaire iranien, qui empoisonne la communauté internationale depuis plus de 12 ans, a suscité une violente charge du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou contre "un dangereux accord" qui permettrait à l'Iran de "conquérir" le Moyen-Orient.
"Le dangereux accord qui est négocié à Lausanne confirme à nouveau toutes nos inquiétudes, voire même au-delà", a affirmé M. Netanyahou.
Interrogé dimanche sur le fait de savoir s'il était "optimiste", le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a quant à lui répondu laconiquement : "Je ne suis pas payé pour être optimiste".
Avec AFP