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La lettre envoyée à Téhéran par 47 sénateurs républicains a été évoquée lundi à Lausanne lors de la reprise des négociations sur le nucléaire iranien. Preuve que leur menace de ne pas respecter un éventuel accord a marqué les esprits.
Leur courrier avait provoqué l’ire du président américain Barack Obama et de son vice-président Joe Biden, ainsi qu’une vive réaction du ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif. Et déjà, il a été évoqué lundi 16 mars à Lausanne, au premier jour de ce dernier round de discussions. En adressant, lundi 9 mars, une lettre à Téhéran dans laquelle ils prévenaient le pouvoir iranien qu’un accord sur son nucléaire ne serait pas nécessairement respecté, 47 sénateurs républicains ont en lancé un avertissement à l’Iran et, par la même occasion, à Barack Obama. Une première dans l’histoire de la diplomatie américaine qui vient parasiter les discussions sur le nucléaire iranien.
"La lettre envoyée à Téhéran par les sénateurs républicains complique les discussions car les Iraniens vont exiger des garanties sur la levée des sanctions, explique Simon Serfaty, spécialiste de la politique étrangère américaine et expert au Center for Strategic and International Studies (CSIS) de Washington. D’habitude les voix divergentes laissent tout de même l’exécutif américain négocier et n’interfèrent pas directement dans les discussions. Or là, l’attitude adoptée par les sénateurs républicains est plutôt extraordinaire, c’est du jamais vu."
Dans son histoire, le Sénat américain s’est toutefois déjà opposé à de nombreuses reprises à la ratification d’un traité pourtant signé par un président. Le traité de Versailles conclu en 1919 après la Première Guerre mondiale et signé par Woodrow Wilson n’a ainsi jamais été ratifié à Washington. Ce dernier donnait notamment naissance à la Société des nations. En l'absence de ratification par les sénateurs américains, les États-Unis n’ont jamais rejoint la SDN, provoquant de fait la mort de l’ancêtre des Nations unies. Plus récemment, c’est la Cour pénale internationale (CPI) qui a été victime des institutions américaines. Bill Clinton avait en effet signé, le 31 décembre 2000, la Convention de Rome créant la CPI, mais son successeur George W. Bush a rapidement pris son contre-pied une fois installé à la Maison Blanche.
Les spécialistes du nucléaire ont également en mémoire le traité SALT II sur la limitation des armes stratégiques signé en 1979 par le président américain Jimmy Carter et son homologue russe Léonid Brejnev. Sachant qu’il ne disposait pas d’une majorité suffisante au Sénat, le président américain ne prit même pas la peine de l’envoyer au Congrès. Puis son successeur Ronald Reagan refusa de le faire ratifier tout en acceptant de l’appliquer dans les faits. Au total, ce sont 36 traités internationaux qui sont aujourd’hui toujours en attente d’être ratifiés par le Sénat, le plus ancien datant de 1949.
Les sénateurs républicains pourraient voter de nouvelles sanctions
Pour éviter ce type de déconvenue, l’exécutif joue de plus en plus souvent sur les mots. Ce n’est donc pas un "traité" que tenteront de signer les États-Unis avec l’Iran mais un "accord". De cette manière, pas besoin de faire ratifier le texte par le Sénat.
La menace des sénateurs républicains est toutefois bien réelle dans la mesure où le prochain président serait à même d’ignorer l’accord engagé par son prédécesseur. "Mais une telle décision serait un affront pour Barack Obama du point de vue de la tradition américaine puisque 95 % des accords signés par un président sont respectés par le suivant, estime Simon Serfaty. En réalité, le vrai danger ne se situe pas en 2017, lorsque le prochain président prendra ses fonctions, mais plutôt dans les mois qui viennent avec les actions que pourront prendre les républicains au Sénat."
Car la question des sanctions sera majeure dans un éventuel compromis sur le nucléaire iranien. Or si Barack Obama a le pouvoir de lever ces sanctions, le Congrès américain peut de son côté décider d’en voter ultérieurement de nouvelles. Et il n’est pas certain que la Maison Blanche aura les voix nécessaires pour imposer son véto.
Trouver un accord définitif avant la fin du mois ne sera donc qu’une étape pour les États-Unis et l’Iran. Car convaincre les républicains de ne pas s’opposer à la levée des sanctions pourrait presque s’avérer plus compliqué pour la Maison Blanche.