Dans un long texte publié sur son blog, un Australien de 18 ans né à Melbourne explique sa radicalisation et les raisons de son départ pour l'Irak, où il serait mort mercredi dans une opération suicide de l'EI.
"Mon martyre approchant, je veux vous raconter mon histoire." Un jeune Australien présumé mort, mercredi 11 mars, dans une vague d'attentats-suicides de l’organisation État islamique (EI) en Irak, a décrit dans un billet de blog sa funeste conversion, des bancs de l'école à l'enfer du jihad.
Dans un manifeste fleuve (4 400 lignes), Abou Abdoullah al-Australi raconte comment "un écolier athée de la bourgeoisie de Melbourne est devenu un soldat du Khilafah [califat], prêt à sacrifier [sa] vie pour l'islam à Ramadi, en Irak".
Derrière ce nom de guerre, se cache vraisemblablement Jake Bilardi, 18 ans. Ce jeune homme frêle au teint clair, yeux bleus et long cheveux sombres bouclés faisait vendredi 13 mars la une de nombreux journaux australiens.
Mercredi 11 mars, il aurait participé à l’un des sept attentats-suicides qui ont frappé Ramadi, à 120 kilomètres à l’ouest de Bagdad. Une photo de propagande de l'EI montre une voiture blanche, avec le portrait en insert du jeune homme au volant, prêt à frapper une unité de l’armée irakienne.
Si des amis et des fidèles d’une mosquée de Melbourne l’ont reconnu, les autorités australiennes ne l'ont pour l’instant pas officiellement identifié.
Issu d’une banlieue ouvrière de Melbourne
Le texte, rédigé dans un anglais très maîtrisé, n'a pas été catégoriquement authentifié, mais pour Greg Barton, professeur en sciences sociales à l'université Monash de Melbourne, il est probablement de la main de Jake Bilardi. "Je crois que nous avons affaire à un gamin précoce, intelligent et idéaliste, qui était aussi solitaire, et qui a fait son chemin tout seul", analyse-t-il.
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L'adolescent raconte : "Malgré des hauts et des bas comme tout le monde, ma vie dans une banlieue ouvrière de Melbourne était très confortable." Il situe le frémissement de sa conscience à l'époque où, élève de primaire, il prenait régulièrement son petit-déjeuner devant la télévision. "Je regardais presque tous les matins l'émission 'Sunrise' de Channel 7. On y débattait de questions comme ‘Encore une attaque en Amérique, devrions-nous nous méfier des musulmans en Australie ?’" "Je voyais les Taliban comme un simple groupe d'hommes d'honneur, désireux de protéger leur pays et leur peuple contre l'envahisseur, et même si je n'étais pas forcément en accord avec leur idéologie, leurs actes étaient à mes yeux complètement justifiés."
C'est, à l'entendre, l'aîné de la fratrie, passionné de relations internationales, qui lui avait parlé d'Oussama Ben Laden et d'Al-Qaïda. "Mais je sais qu'il n'est pas heureux que je sois ici (en Irak, NDLR), et je peux assurer que, non, il ne m'a pas ‘radicalisé’."
Rejoindre l’EI, ou faire des attentats à Melbourne
Il poursuit seul, isolé, sur Internet, sa formation intellectuelle et politique, profitant de l'ordinateur portable offert par le gouvernement de l'État de Victoria à tous les lycéens. Ses recherches, dit-il, révèlent "les mensonges et les trahisons" de l'Occident, particulièrement dans les conflits en Irak et en Afghanistan.
Lentement, dans l'ombre, l'adolescent développe "une haine et une opposition farouche au système représenté par l'Australie et la majorité des pays du monde". Une conversion totale, irréversible. "De supporteur modéré des groupes militants islamiques dans différents pays, je suis devenu convaincu que la révolution mondiale violente était la réponse aux maux du monde", explique l'adolescent.
Il évoque également un "plan B", s'il ne parvenait pas à rejoindre les jihadistes en Irak ou en Syrie, si les autorités australiennes faisaient échec à ses projets. "Ce plan consistait à lancer une vague d'attentats à la bombe à Melbourne, en visant les consulats étrangers et des cibles politiques/militaires et des attaques à la grenade et au couteau dans des centres commerciaux et des cafés."
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Le massacre devait se conclure par la mort de l'auteur dans un attentat-suicide à l'explosif "au milieu des kuffar (infidèles)". Mais Jake Bilardi, parti en août 2014, n'a pas été arrêté par les autorités : son passeport n'a été annulé qu'en octobre.
En décembre, un homme d'origine iranienne, Man Haron Monis, musulman connu pour ses idées extrémistes, a pris en otages 17 personnes dans un café de Sydney et les a retenues pendant près de 16 heures. Lorsqu'il a abattu le directeur du café, la police a donné l'assaut et tué le preneur d'otages. Un autre otage est mort au cours des échanges de tirs.
Avec AFP