![En Serbie, sur les traces des poilus d’Orient En Serbie, sur les traces des poilus d’Orient](/data/posts/2022/07/20/1658300349_En-Serbie-sur-les-traces-des-poilus-d-Orient.jpg)
envoyée spéciale à Belgrade – À l'occasion du déplacement du ministre des Anciens combattants sur le front d'Orient, France 24 vous fait vivre au jour le jour ce voyage mémoriel et commémoratif sur les traces de ces poilus oubliés. Le troisième jour nous emmène en Serbie.
9 h 15 : Arrivée à Belgrade
C'est en Serbie que se déroule la troisième journée du déplacement du secrétaire d'État chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, Jean-Marc Todeschini, sur les traces des poilus du Front d'Orient. Ce pays est bien entendu l'une des nations les plus emblématiques de la Première Guerre mondiale. C'est contre lui que l'empire austro-hongrois déclara la guerre le 28 juillet 1914 après l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand et de son épouse à Sarajevo par un étudiant serbe de Bosnie, Gavrilo Princip. Comme me l'explique l'historien Stanislav Sretenovic, lors de notre arrivée dans la capitale Belgrade, la Serbie est l'un des pays qui a payé le plus lourd tribut lors du conflit. Selon les estimations, près d'un tiers de la population masculine a perdu la vie entre 1914 et 1918. "Comme pour les Français, chaque famille a été touchée pendant la guerre", précise ce spécialiste de cette période.
14 h : Visite du parc de Kalemegdan et de la forteresse
Au cours du déjeuner à l'ambassade de France, le secrétaire d'État insiste auprès de ses interlocuteurs sur les liens très forts qui ont été tissés entre la France et la Serbie pendant la Grande Guerre. Après le repas, il débute d'ailleurs sa visite de la ville en se rendant au monument de reconnaissance à la France à seulement quelques mètres à pied de la représentation diplomatique. Cette statue, représentant une femme, a été érigée en 1930 dans le parc de Kalemegdan, près de la forteresse de Belgrade, pour illustrer "la fraternité d'armes” des soldats serbes et français durant la Première Guerre mondiale.
Les deux armées, visibles de chaque côté du monument, ont en effet combattu ensemble jusqu'à l'offensive victorieuse du général français Louis Franchet d'Espèrey en septembre 1918 sur le front d'Orient. En 1914, les tout premiers combats avaient eu lieu à quelques kilomètres de ce parc.
En haut de la forteresse, l'historien Stanislav Sretenovic montre du doigt au secrétaire d'État la zone de ces affrontements. "Vous voyez au niveau du deuxième pont sur le fleuve Save. C'est ici que la guerre a débuté", décrit-il. "On a réussi à retrouver qui étaient les premiers tués de la Grande Guerre. Un soldat serbe et un soldat hongrois de l'armée austro-hongroise." Plus au Nord, là ou la Save rejoint le Danube, notre guide du jour nous montre un autre héritage du conflit. L'une des îles porte toujours le nom de "Grande Guerre", "car il y a eu aussi des combats à cet endroit".
16 h : Cérémonie au cimetière militaire français
Comme dans toutes les villes visitées depuis le début de ce voyage sur le front d'Orient, la délégation se rend au cimetière français. Celui de Belgrade est beaucoup moins imposant que ceux de Bitola en Macédoine ou Zeïtenlick en Grèce, mais il compte quand même 396 tombes de poilus tombés en Serbie. Le programme est immuable pour le secrétaire d'État qui, accompagné de parlementaires et de l'ambassadrice française en Serbie Christine Moro, dépose une gerbe au pied du monument aux morts. L'émotion est toutefois différente et beaucoup plus touchante par rapport aux cérémonies des jours précédents avec la présence de la chorale de l'école française de Belgrade. À l'arrivée du ministre, une dizaine d'enfants entonnent avec un grand sérieux et beaucoup d'entrain les hymnes français et serbe. Ils interprètent ensuite dans un silence très poignant "Krece se ladja francuska" (le bateau français vogue, en serbe), chanson datant de la Première Guerre mondiale et symbolisant l'amitié entre les deux pays.
17 h : Temps d'échange avec des élèves de l'école française
Après ce temps commémoratif plutôt institutionnel, le secrétaire d'État a rendez-vous avec quelques lycéens de l'école française. En se rendant en voiture à l'établissement, ce sont d'autres stigmates beaucoup plus visibles et beaucoup plus récents que la délégation croise sur le bord de la route. Dans le centre-ville, des immeubles endommagés par les bombardements de l'Otan en 1999 sont restés tels quels. Les fenêtres sont éventrées, les toits effondrés et des escaliers à moitié détruits ne mènent à aucun étage. "Les autorités les laissent dans cet état comme une sorte de symbole, mais aussi car ils n'ont pas les moyens de les réhabiliter", explique l’un des attachés, qui représente le ministère de la Défense au sein de l'ambassade.
L'une des premières questions des élèves porte d'ailleurs sur cette période et sur les conséquences de la guerre en ex-Yougoslavie. "Les Français ont-ils toujours une mauvaise image des Serbes ?", demande sans détour l'un des lycéens au ministre. "Non, nous n'avons pas d'images négatives en France. Originaire de la Moselle, j'ai moi-même des amis serbes, qui résident dans cette région et qui s'intègrent très bien dans notre pays", lui répond Jean-Marc Todeschini. Ancien instituteur, le secrétaire d'État semble apprécier ces moments partagés avec les jeunes, peut-être plus que les cérémonies protocolaires. Il tient à leur faire partager l'importance du travail de mémoire : "Commémorer c'est se projeter dans l'avenir. C'est la construction de l'Europe. C'est la paix". Pour leur faire comprendre qu'il ne s'agit pas seulement d'une question poussiéreuse et d'un autre temps, il leur rappelle la présence du président russe Vladimir Poutine lors des cérémonies du 70e débarquement en Normandie, en pleine crise ukrainienne. "C'est à l'occasion de ces commémorations qu'il a rencontré pour la première fois le président ukrainien", explique Jean-Marc Todeschini. "Les commémorations sont souvent l'occasion de rassembler différents pays."
18 h : Visite de l'exposition au musée d'histoire de la Serbie en 1914
La dernière visite de cette journée, encore une fois très dense, a lieu au musée historique de Serbie. Une exposition sur le pays en 1914 y est organisée depuis septembre dernier à l'occasion du centenaire de la Grande Guerre. Dans les différentes salles, je reconnais des visages croisés lors de mes différents articles consacrés au sujet. Dans un espace consacré aux femmes lors de la Première Guerre mondiale, je découvre des portraits de Flora Sandes, cette Britannique au tempérament hors du commun qui avait réussi à se faire enrôler dans l'armée serbe. Gavrilo Princip, cet étudiant serbe de Bosnie, auteur de l'attentat de Sarajevo, est aussi mis en avant dans l'exposition. Avant de tirer ces coups de feu qui, par le jeu des alliances, ont changé la face du monde, le jeune homme a en effet séjourné à Belgrade.
Cent ans après, Gavrilo Princip est toujours considéré comme un symbole pour les nationalistes du pays. En sortant du musée, c'est encore une fois son regard qui me rattrape. Dans une rue commerçante, à quelques mètres de mon hôtel, un affiche géante de Gavrilo trône sans complexe dans la vitrine d'une librairie. Alors que j'étais partie sur ses traces il y a un an à Sarajevo, la figure si dure et pourtant si énigmatique de ce héros pour les uns et assassin pour les autres me poursuit encore et toujours.
Retrouvez ici les autres étapes de ce voyage sur le front d'Orient.