
La Française Florence Arthaud, l'une des plus grandes navigatrices au monde, est décédée lundi dans le crash d'un hélicoptère en Argentine pendant le tournage d'une émission. Portrait d'une Amazone qui a imposé la femme dans la voile.
Elle appartenait au monde de Neptune et devait avoir de l'eau qui coulait dans ses veines. Florence Arthaud, la "petite fiancée de l'Atlantique", l'âme de la voile au féminin, première femme à remporter la Route du Rhum en 1990, est décédée lundi 10 mars dans le crash d'un hélicoptère en Argentine alors qu'elle participait à l'émission de télé-réalité "Dropped", pour TF1.
Personnage haut en couleur à la forte personnalité et à la langue bien pendue, "grande gueule", diront certains, "Flo" faisait partie de cette génération de marins surdoués et passionnés qui ont accumulé les succès sur l'Atlantique et autour du monde à partir des années 1970, inspirés par les maîtres Eric Tabarly, Olivier de Kersauson, Alain Colas et leurs équipiers.
Quatre "Route du rhum"
Florence Arthaud avait donc la voile chevillée au corps, et la mer pour seule famille pendant une importante partie de sa vie. À 17 ans, après une première épreuve, un grave accident de voiture qui la laissera longtemps paralysée et défigurée, elle décide de partir et de quitter le cocon familial bourgeois de Boulogne-Billancourt, en banlieue parisienne. "J'ai besoin de prendre le large", écrira-t-elle dans un mot laissé sur son oreiller. De 1978 à 2007, elle navigue sur tous les océans. Elle enchaîne quatre "Route du rhum" avant de s’imposer dans l’édition de 1990.
En 1990, Florence Arthaud remporte la mythique "Route du rhum"
En 1986, elle vit un second drame quand elle tente de porter secours à Loïc Caradec, qui lance un appel de détresse dans une mer déchaînée. Elle change de cap, retrouve le multicoque retourné du navigateur mais aucune trace du marin, disparu comme Alain Colas avant lui (1978). C'est en 2011, qu'elle frôle, elle aussi, la mort une deuxième fois quand elle tombe à l'eau au nord du Cap Corse. Équipée d'une lampe frontale et d'un téléphone portable étanche, elle avait réussi à donner l'alerte en appelant sa mère. Deux heures après son appel, un hélicoptère la repère et la récupère, consciente mais en état d'hypothermie. "Ce n'était pas mon jour, il y a eu de vrais miracles", avait-elle alors lâché à son retour chez elle, à Marseille.
Florence Arthaud a inspiré de nombreuses autres navigatrices françaises, qui ont écumé toutes les mers du monde dans son sillage. Isabelle Autissier, Catherine Chabaud et bien d'autres sont ses héritières. Au fil des ans, cette navigatrice courageuse et extraordinairement attachante ne mâchait pas ses mots, à des années-lumière du politiquement correct. "Quand on a peur des icebergs, on ne fait pas le Vendée Globe", avait-elle lâché lors de la dernière course autour du monde en solitaire et sans escale à propos des "portes de glace", ces marques de parcours virtuelles au sud desquelles les navigateurs ne doivent pas descendre.
"Je n'ai pas eu une vie de femme"
Avide de liberté, insoumise, la "petite fiancée de l'Atlantique" ne se complaisait pas non plus, en privé, dans une vie bien rangée. "On n'avait rien, on n'avait pas de maison, on vivait sur nos bateaux. On avait une bande de copains qui était notre famille", avait-elle encore raconté à l'AFP. "Moi, j'ai fait ma fille à 36 ans. Avant, je n'ai pas eu une vie de femme. J'ai eu une vie de patachon et d'aventurière."
Aventurière, en effet... Quitte à parfois déraper, comme en 2010, lorsqu'elle avait été interpellée en état d'ivresse au volant dans le Var et placée en garde à vue. Mais elle ne se départit jamais de son humour. "Après ma victoire sur le Rhum, il paraît que beaucoup de Français voulaient m’épouser, raconte-t-elle dans sa biographie publiée en 2008. Les pauvres, s’ils savaient, s’ils me connaissaient !"
Née le 28 octobre 1957 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), Florence Arthaud était la fille de Jacques Arthaud, le directeur de la maison d'édition du même nom. Elle avait été élue "championne des champions français" en 1990 par "L'Équipe". Pour elle, naviguer, "ce [n'était] pas un métier de femme. C'est un univers rude, dur, où on est tout le temps sur les mers", avait confié la navigatrice de 57 ans, en octobre 2014. Elle avait pourtant prouvé que la voile n'est pas qu'une affaire de testostérone.
Au total, dix personnes, dont huit Français, sont mortes dans la collision entre deux hélicoptères, en Argentine. Parmi elles, se trouvaient le boxeur Alexis Vastine et la nageuse Camille Muffat. On ignore pour l'heure les causes de l'accident.
itAvec AFP