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L'Arabie saoudite, premier importateur d'armes au monde

L’Arabie saoudite est devenue le premier importateur d’armes dans le monde d’après un rapport sur le commerce de matériel militaire paru samedi. Une manière à la fois de s’adapter à la situation régionale et de cultiver ses relations diplomatiques.

L’Arabie saoudite s’arme à très grande vitesse. En 2014, le royaume est devenu le premier importateur d’armes après avoir détrôné l’Inde, d’après le rapport annuel sur ce commerce du cabinet d’analyses IHS, publié samedi 7 mars.

Riyad a acheté pour 6,4 milliards de dollars d’armement l’an passé, soit un dixième de l’ensemble des échanges internationaux du secteur. Ses importations ont crû de 54 % en une année, soulignent les auteurs du rapport. L’Arabie saoudite s’est procurée un peu de tout avec un appétit particulier “pour les avions de chasse”, note Nils Duquet, spécialiste du commerce d’armes à l’Institut de paix flamand.

Alternative à l’Iran

“L’augmentation des importations saoudiennes a été impressionnante et, en se fondant sur les données des années précédentes, on peut penser que cette tendance va continuer à dominer le secteur”, juge, dans un communiqué, Ben Moores, analyste spécialiste du secteur de la défense pour IHS. Le rapport, qu’il a supervisé, estime qu’en 2015, lle pays devrait dépenser 10 milliards de dollars en matériel militaire.

Cette boulimie militariste s’explique aussi bien par des raisons stratégiques que diplomatiques. Les tensions au Moyen-Orient, et notamment en Syrie, ont créé un climat régional d’instabilité qui a poussé le royaume à ouvrir les yeux sur ses lacunes en matière de défense. “Comme il n’a pas de secteur national de défense, il est obligé de tout importer”, rappelle Nils Duquet. Grâce à sa rente pétrolière, Riyad peut dépenser sans compter ou presque.

Il s’agirait aussi d’une question de compétition. “L’Arabie saoudite souhaite être une puissance militaire alternative à l’Iran dans la région”, ajoute Nils Duquet. Il n’est pas le seul pays du Proche-Orient à vouloir muscler ainsi sa défense grâce aux pétrodollars. Les Émirats arabes unis se sont hissés à la quatrième place du classement de l’IHS des plus gros importateurs d’armes avec 2,2 milliards de dollars dépensés en 2014. Ces deux pays ont, à eux seuls, acheté davantage de matériel militaire que l’ensemble des pays européens.

Arme diplomatique

Pourtant aucun des deux n’est activement impliqué dans un conflit. "La grande question est de savoir ce qu’ils font avec tout ce matériel, à part l’entreposer", reconnaît Nils Duquet. Pour cet expert, s’équiper ainsi a, bien sûr, un objectif dissuasif. Mieux vaut prévenir que frapper.

Mais l’autre but est d’entretenir des bonnes relations avec les alliés occidentaux. “L’Arabie saoudite fait au pays exportateur une faveur en lui achetant du matériel militaire”, analyse Nils Duquet. Ce serait, d’après lui, une manière de rester dans les bons papiers de gouvernements occidentaux très désireux de trouver des débouchés à leurs entreprises alors que leur propre budget défense est sous pression.

Certains pays commencent, cependant, à s’interroger sur le bien-fondé de leurs exportations d’armement vers l’Arabie saoudite. En Allemagne, par exemple, la vice-présidente du Bundestag (la chambre basse du Parlement), Claudia Roth, a appelé a reconsidérer les contrats avec Riyad, car le royaume serait “le premier exportateur de terrorisme dans la région” en armant des extrémistes en Syrie, en Afghanistan et en Irak. Berlin a vendu près d’un milliard de dollars de matériel militaire à l’Arabie Saoudite en 2014.

Pour Nils Duquet, il est évident qu’une partie du matériel acheté par l’Arabie saoudite va se retrouver en bout de chaîne entre les mains de groupes armés. Mais pas n’importe lequel. “Le Royaume va essentiellement réexporter des fusils et autres munitions et sûrement pas des avions de chasse ou des véhicules blindés”, note-t-il. Il rappelle en outre que Riyad recycle avant tout le matériel acheté il y a quelques années.