Les combats entre Taliban et armée pakistanaise se poursuivent dans la vallée de Swat. Dans le camp de Jalala, qui accueille 30 000 déplacés, la situation sanitaire s'aggrave et les ONG ne parviennent pas à faire face à l’afflux. Reportage.
Le camp de Jalala est complètement saturé : situé à 150 kilomètres au nord-ouest d'Islamabad, près de la ville de Mardan, il accueille déjà 30 000 personnes, parmi les centaines de milliers d'autres qui ont fui les combats entre l'armée et les Taliban. Pourtant, plusieurs camps ont été installés autour de Mardan. Mais Jalala - camp qui a été monté le 5 mai et qui est prévu pour 20 000 personnes - est déjà plein.
Résultat : les ONG sont débordées, notamment les équipes médicales de l'Unicef et du Jamaat-ud-Dawa, la branche légale du Lashkar-e-Taiba, un groupe armé soupçonné d'avoir organisé les attentats de Bombay. Des centaines de tentes sont alignées en plein soleil sur un terrain vague poussiéreux où la température atteint les 40 degrés l'après-midi. Sous les tentes, c'est encore pire. Comme elles ne sont pas adaptées pour l'été, il fait 50 degrés. Les enfants et les personnes âgées sont les premières à souffrir de la chaleur. Les nourrissons meurent à cause de la déshydratation. Et les couvertures fournies par l'ONU sont des couvertures d'hiver !
Ni électricité ni eau courante
Les ONG ont été prises de court par le déclenchement de l'offensive militaire fin avril. Un employé d'une organisation humanitaire qui préfère rester anonyme admet d'ailleurs que, "comme le gouvernement pakistanais [nous] a laissé trop peu de temps pour accueillir les déplacés, on manque de nourriture et de médecins. Chaque jours, on examine 6 000 patients et lorsqu'on ferme l'antenne médicale pour la nuit, certains attendent la réouverture jusqu'au matin. Cela n'arrête jamais".
Cette absence de préparation exaspère les déplacés, en particulier Adil, 43 ans. Les yeux sont fatigués mais la voix est exaspérée : "On doit faire la queue pour tout : obtenir à manger, se faire enregistrer... La semaine dernière, il y a même des gens qui se sont battus entre eux pour quelques couvertures !" Beaucoup accusent aussi les autorités de ne pas transférer l'aide. "L'argent n'arrive pas, s'énerve Hamaid. La preuve : nous n'avons ni électricité ni eau courante et il n'y a pas d'école pour les enfants. On nous traite comme des délinquants ! Et mes enfants supportent mal la chaleur", explique, la sueur au front, cet habitant de Mingora, dans la vallée de Swat.
Exaspération et colère
Conséquence de cette colère contre le gouvernement, certains, comme Adil, ne semblent pas en vouloir aux Taliban : "Je n'ai pas de problème avec eux. Avant les combats, on vivait en paix et tout allait bien. Je ne comprends pas pourquoi l'armée a lancé une offensive." Un autre déplacé ajoute : "L'armée ne cible pas les Taliban, elle s'en prend aux civils, bombarde nos maisons, impose un couvre-feu qu'elle ne suspend que quelques heures par jour." A l'avenir, cette colère pourrait faire le jeu des mouvements djihadistes.
L'armée semble consciente de cette exaspération : dans un communiqué publié mercredi 13 mars, le chef d'état-major, le général Kayani, a indiqué que l'armée allait envoyer une partie de ses rations aux déplacés ce qui permettra de nourrir 80 000 personnes par jour dans les prochaines semaines. Des équipes médicales militaires seront également déployées dans les camps.
Le président pakistanais s'inquiète aussi de la situation. Mercredi, à l'issue de sa rencontre avec le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon à New York , Asif Ali Zardari a appelé la communauté internationale à venir en aide aux déplacés.