
La junte a décidé d'inculper Aung San Suu Kyi, chef de l'opposition, pour avoir reçu la visite d'un Américain alors qu'elle était assignée à résidence. Son procès s'ouvrira le 18 mai; la lauréate du Nobel de la Paix risque 5 ans de prison.
Le calvaire d’Aung San Suu Kyi, dirigeante de l’opposition birmane et Prix Nobel de la Paix, assignée à résidence depuis 2003, semble loin d’être terminé. Alors que sa santé se fragilise et que son assignation à résidence devait prendre fin le 27 mai, les autorités birmanes l’ont inculpée quelques jours après l’intrusion d’un Américain dans sa villa de Rangoun. Son procès s’ouvrira le 18 mai. Elle risque au moins cinq ans de prison.
Tôt dans la matinée, Aung San Suu Kyi a été emmenée à la prison d'Insein, au nord de Rangoun, après avoir été inculpée pour avoir violé les règles de son assignation à résidence. "Les autorités ont inculpé Aung San Suu Kyi et ses deux employées de maison, conformément à la clause 22" de la loi visant à protéger l'Etat des dangers émanant d'éléments subversifs, en vertu de laquelle l'opposante est assignée à résidence, a déclaré un avocat, Hla Myo Myint.
"Une machination orchestrée par les services de sécurité"
Selon les médias birmans, un Américain, John Yettaw, a été arrêté le 6 mai pour avoir traversé le lac Inya au bord duquel se trouve la résidence de Suu Kyi et s'être introduit au domicile de l'opposante où il a passé deux jours. L’Américain, âgé de 53 ans, a également été inculpé dans la matinée pour avoir violé les règles d'immigration, ainsi qu'une loi sur la sécurité. Aucune date n'a été annoncée pour son procès.
Selon l'avocat de Suu Kyi qui s’est exprimé à la Voix démocratique de Birmanie, une radio qui émet depuis la Norvège, John Yettaw avait déjà essayé de contacter l'opposante l'an dernier mais elle lui avait dit de partir et l'incident avait été signalé aux autorités. Cette fois encore, Suu Kyi a dit à Yettaw de partir, mais il est resté. Aung San Suu Kyi "lui a dit de s'en aller, mais il ne l'a pas fait". "Il a dit qu'il était très fatigué et qu'il voulait se reposer. Elle l'a imploré de partir. Mais il est resté pour la nuit et a dormi sur le sol", a ajouté l'avocat.
Un état de santé préoccupant
La France, le Royaume-Uni et la Norvège ont condamné l'inculpation de l'opposante. Il n’y a "aucune justification" à cette arrestation, a estimé, pour sa part, l 'envoyé spécial de l'Union européenne pour la Birmanie, l'Italien Piero Fassino.
Pour Sunai Phasuk, consultant birman chez Human Rights Watch (HRW), l’emprisonnement de la secrétaire générale de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) est purement politique. "C’est une opportunité pour les autorités de la garder éloignée de ses partisans alors que les prochaines élections ont lieu en 2010." La LND avait remporté les élections de 1990 mais la junte, qui dirige la Birmanie depuis plus de 40 ans, a refusé de tirer les conséquences de cette victoire.
Les mouvements d’opposition sont très inquiets concernant l’arrestation de "la Lady", comme les Birmans la surnomment, surtout que sa santé s’est fragilisée. Âgée de 63 ans, Aung San Suu Kyi, qui a passé plus de 13 des 19 dernières années en résidence surveillée, était traitée pour hypotension et déshydratation la semaine dernière.