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Sportifs, artistes et femmes au foyer : les fraudeurs démasqués par SwissLeaks

Le scandale "SwissLeaks" souligne le rôle de la filiale suisse de HSBC dans la fraude fiscale internationale. Plus de 100 milliards de dollars ont pu être cachés au fisc grâce à elle, profitant à des grands noms des affaires et du show-business.

"HSBC Suisse a entamé une transformation radicale en 2008 pour empêcher que ses services soient utilisés pour frauder le fisc ou blanchir l'argent sale." La filiale suisse du géant bancaire britannique a ainsi, par la voix de son directeur Franco Morra, tenté de désamorcer le scandale "SwissLeaks" qui l'a frappée de plein fouet, lundi 8 février.

Prendre ses distances avec les pratiques de HSBC entre 2005 et 2007 - période couverte par les révélations du "Monde" et du consortium international de journaliste d’investigation ICIJ - relève du b.a.-ba de la gestion de communication de crise. Qu'il y ait eu ou non un avant et un après 2008 risque cependant de ne pas suffire à la banque d’éviter pour être pointée du doigt.

Après tout, le scandale SwissLeaks démontre que plus de 100 milliards de dollars (88 milliards d’euros) ont pu être dissimulés aux autorités fiscales de 200 pays grâce à HSBC. La nature très hétéroclite des clients de cette filiale suisse, mêlant gratin du showbiz, sportifs, dictateurs et trafiquants d'armes, rajoute au retentissement des révélations.

Si on gratte un peu la surface des gros chiffres, cette nouvelle affaire dévoile surtout, à travers les petits détails, les dessous d'un système très bien rodé qui démontre comment "une large part des très riches réussissent à ne payer que très peu de taxes, alors que le reste s’acquitte d’importants impôts pour assurer le bon fonctionnement des services publics nécessaires au développement", analyse l'économiste Thomas Piketty pour l'ICIJ.

Des banquiers très prévenants

La filiale suisse de HSBC ne se contentait pas d’être une caisse enregistreuse pour l’argent des candidats à la fraude fiscale. Ses banquiers savaient être aux petits soins avec leurs clients. Le quotidien britannique "The Guardian" raconte que les conseillers leur apportaient régulièrement des valises d’argent frais pour leur éviter de devoir retirer les fonds à distributeurs, ce qui aurait pu mettre la puce à l’oreille aux autorités fiscales.

Ils savaient aussi anticiper les besoins de ces ultra-riches. La banque les a, ainsi, contactés d’elle-même en 2005 pour leur expliquer la meilleure manière d’échapper à une taxe visant les citoyens européens ayant un compte en Suisse qui n’était, alors, même pas encore entrée en vigueur.

L'un des représentants de HSBC à Paris s'était même transformé en organisateur d’un réseau de blanchiment d’argent de la drogue, rappelle "The Guardian". Sur ses conseils, des sacs d’argent provenant de la vente de cannabis étaient remis à des "clients respectables" de la banque. Ces derniers déposaient ensuite ces fonds sur leur compte à la HSBC à Genève qui, ensuite, les reversait aux trafiquants de drogue.

Les pas si "desperate housewives"

Quelle est l’une des professions favorites des détenteurs de compte à la filiale suisse de la HSBC ? Femme au foyer. Plus de 7 000 des clients de la banque qui ont daigné indiquer leur profession, déclarent être "femmes au foyer".

Une occupation qui se révèle être étonnamment rémunératrice. Ainsi, l'une d'elles disposait de 138 millions de dollars sur compte géré par la HSBC. Il s’agit en réalité de Mary Well Lawrence, l'une des publicitaires les plus célèbres des États-Unis et première femme à avoir dirigé une agence de publicité dans les années 1960.

D'autres servent de prête-noms pour leur mari ou un autre membre de leur famille. Mais la plupart n’ont pas grand chose à voir avec les femmes au foyer de Wisteria Lane, dans la série "Desperate Housewives". La princesse saoudienne Lolowah al-Faisal Al Saud, fille du roi Faisal, disposait, en 2007, de près de 2 millions de dollars sur un compte en Suisse. Khunying Patcharee Wongpaitoon, de son côté, était plutôt fugitive que femme au foyer. Cette femme d’affaires thaïlandaise possédait un compte en Suisse, dont le montant n’a pas été rendu public, entre 1992 et 1994. Elle a échappé à l'arrestation pour une affaire de manipulation de cours en fuyant son pays.

Star system

Bon nombre de personnalités du showbiz se retrouvent aussi éclaboussées par ces révélations. En France, il y a l’humoriste Gad Elmaleh, tandis que des stars internationales comme le chanteur Phil Collins ou l'acteur John Malkovich ont également eu de l’argent géré par HSBC.

Pour autant, pour certaines de ses personnalités, disposer d’un compte en Suisse n'est pas forcément synonyme de volonté de frauder le fisc. Gad Elmaleh a, ainsi, régularisé sa situation depuis longtemps, rappelle "Le Monde". D'autres n’étaient visiblement même pas au courant de cette situation. John Malkovich indique au "Guardian" qu'il avait, à l’époque, confié une partie de sa fortune à l'escroc Bernard Madoff et qu'il ne savait pas où se trouvait son argent.

Un ministre encombrant

Stephen Green n’a pas été juste ministre britannique du Commerce entre 2011 et 2013. Il n'est pas seulement baron Green de Hurstpierpoint. Ce lord, membre du parti conservateur, a surtout été le PDG de HSBC Group de 2006 à 2010. En d’autres termes, ce compagnon politique de l'actuel Premier ministre David Cameron a été à la tête de la banque au moment où sa filiale suisse était, selon les révélations de SwissLeaks, la plus active pour aider les très riches à cacher leur argent.

Cette proximité avec l'actuel chef de gouvernement britannique n'a pas échappé à l’opposition. "Soit il n'était pas au courant et ça veut dire qu’il dormait pendant qu'il dirigeait l'entreprise, soit il savait et il était, alors, impliqué dans des montages fiscaux douteux", a déclaré Margaret Hodge, une députée travailliste et présidente du comité parlementaire des comptes publics.

Le chef de file des travaillistes, Ed Miliband, a, lui, demandé comment ce patron d'une banque sulfureuse a pu rentrer au gouvernement alors que les autorités fiscales britanniques "détenaient le listing [à l’origine du scandale actuel, NDLR] depuis 2010".