
Le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, a révélé, lundi, les premiers éléments du plan grec pour renégocier le remboursement de la dette contractée auprès de la Banque centrale européenne, de l’Union européenne et du FMI.
Petit à petit, le plan du nouveau gouvernement grec pour renégocier les termes de la dette hellène se précise. Yanis Varoufakis, le ministre grec sans cravate des Finances, a fourni ses premières propositions à l’issue de sa rencontre, lundi 2 février, avec son homologue britannique George Osborne.
Il n’est plus question de demander une réduction pure et simple du montant des remboursements, a-t-il précisé au quotidien britannique "Financial Times", qui a eu la primeur de cette information. Une bonne nouvelle pour les pays européens, Allemagne en tête, qui ne voulaient pas entendre parler d’une remise en cause des quelque 226 milliards d’euros de dettes que la Grèce a contractés auprès d’institutions publiques.
Tours de passe-passe
Mais le ministre grec au crâne rasé, l’une des personnalités européennes les plus médiatiques du moment, entend toujours revoir en profondeur les modalités de remboursement qui avaient été négociées, en 2010 et 2012, avec un triumvirat composé de la Banque centrale européenne, l’Union européenne et le Fond monétaire international.
Plus précisément, Yanis Varoufakis souhaiterait que les 141,8 milliards d’euros de dette grecque achetés par la Banque centrale européenne (BCE) soient transformés en bonds perpétuels. Quant au remboursement de sa dette de 52 milliards d’euros contractée auprès des États membres de l’Union européenne, il aimerait qu’il soit indexé sur la croissance grecque.
La BCE se retrouverait, dans ce scénario, en possession de titres "similaires au système de rente perpétuelle qui a pu être pratiqué, notamment, sous l’Ancien régime en France", explique à France 24 Christophe Blot, spécialiste de l’économie européenne à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Ce genre de créance n’a pas d’échéance prédéterminée, et le débiteur se contente de payer les intérêts à intervalle régulier. Jusqu’à quand ? "Soit les deux parties se mettent d’accord à un moment donné pour que tout soit remboursé, soit le principal [c’est-à-dire le capital prêté au départ, NDLR] n’est jamais remboursé", précise Christophe Blot.
Selon cet expert, il est peu probable que la Banque centrale européenne accepte un tel compromis car elle risque d’estimer que la détention de créances virtuellement éternelles sur un pays est contraire à ses missions.
En attendant la croissance
En revanche, la proposition de Yanis Varoufakis concernant le remboursement des 52 milliards d’euros dûs à l’Union européenne est "une solution plutôt maligne", juge Christophe Blot. Elle prévoit que la Grèce rembourse ses dettes seulement si sa croissance dépasse un certain seuil qui doit encore être fixé. Un tel accord "obligerait l’Union européenne à accepter que la Grèce mette un terme à sa politique d’austérité, qui demeure le principal frein à la croissance du pays", analyse Christophe Blot.
En outre, les autres États européens auraient tout intérêt à ce qu’Athènes sorte du marasme. À défaut, ils risqueraient de ne jamais revoir leur argent.
En 1953, l’Allemagne avait utilisé un stratagème similaire pour retrouver le chemin de la prospérité. Fortement endetté, le grand vaincu de la Seconde Guerre mondiale avait négocié de rembourser uniquement si ses exportations se portaient bien. Résultat : ses partenaires commerciaux avaient été incités à acheter Allemand, ce qui avait permis de jeter les bases du fameux modèle économique germanique.
Cette idée peut paraître séduisante pour redonner un peu de marge de manœuvre budgétaire à la Grèce. L’argent qu’elle n’aurait pas à rembourser pendant les périodes de récession pourrait être utilisé pour relancer l’activité. Mais cette proposition comporte encore beaucoup de zones d’ombre. Il faudrait ainsi savoir "si elle concerne uniquement les intérêts à payer, seulement le principal [le capital prêté à l’origine] ou les deux", souligne Christophe Blot. Athènes verse en effet plus de 10 milliards d’euros par an à la Troïka, rien qu’en intérêts. Athènes et les pays de la zone euro pourront-ils, en outre, se mettre d’accord sur un taux de croissance au-dessus duquel la Grèce se verrait sommée de rembourser ?
Autant de détails que Yanis Varafoukis doit encore préciser. Le négociateur financier en chef du gouvernement d’Alexis Tsipras, le leader du parti de gauche radical Syriza, se réserve probablement quelques cartes à abattre pour la suite de sa tournée des capitales européennes. Il lui faudra aussi régler le cas du troisième grand créancier public : le Fonds monétaire international. L’institution présidée par la Française Christine Lagarde a prêté 32 milliards d’euros à Athènes et il y a fort à parier qu’elle aimerait, elle aussi, récupérer sa mise.