Syriza, vainqueur des législatives grecques du 25 janvier, souhaite appliquer un programme de relance d'un montant de 12 milliards d’euros. Dégager le budget pour mettre son plan à exécution constitue l'un de ses nombreux défis.
L’un des premiers tweets envoyés par Alexis Tsipras après la victoire son parti, Syriza, aux législatives, a été de remercier l’acteur américain Hugh Laurie pour son message de félicitations. “Merci, Dr”, a écrit, lundi 25 janvier, le leader de la gauche radicale grecque à celui qui a incarné à l’écran le célèbre Dr House, spécialiste des solutions médicales miracles. À l'instar du praticien controversé, Alexis Tsipras espère-t-il ranimer son pays en utilisant des méthodes qui vont à l’encontre des remèdes prescrits par la communauté internationale ?
Le nouvel homme fort d’Athènes veut redonner espoir aux Grecs et rompre avec l’austérité qui plombe son pays depuis 2010. Pour cela, il compte dépenser plus pour gagner plus, économiquement et politiquement.
Mais le pari est risqué tant les marges de manœuvres budgétaires sont minces : la Grèce plie sous un chômage de masse très coûteux et peine à faire rentrer de l’argent à cause d’une récession qui n’en finit pas et d’une fraude fiscale endémique.
Surtout, le pays est endetté jusqu’au cou. La politique de relance du parti risque de se heurter aux obligations contractées par Athènes à l’égard de tous ses créanciers - Fonds monétaire international (FMI), Banque centrale européenne (BCE), Union européenne (UE) et investisseurs privés. Mais Syriza, qui veut renégocier une partie de cette dette, aura la tâche plus difficile pour appliquer son ambitieux programme, sans nouveau coup de pouce de ses créanciers. Illustration.
C’est la somme qu’Alexis Tsiprias veut débloquer en urgence pour résorber la “crise humanitaire” grecque, après six ans de récession. La priorité : s’assurer que les foyers vivant sous le seuil de pauvreté ne peuvent pas être privés d’électricité, interdire les saisies immobilières, offrir une couverture santé aux chômeurs, réintroduire un 13e mois pour les salariés gagnant moins de 700 euros par mois et garantir la gratuité des transports publics pour les plus démunis.
Moins précis, mais plus ambitieux. Syriza prévoit d’allouer dix milliards d’euros, sur un ou deux ans, à une politique générale de relance de l’économie. Alexis Tsipras veut ainsi remiser au placard l’austérité qui a constitué l’alpha et l’oméga de la politique économique grecque ces dernières années.
La mesure la plus symbolique consiste à augmenter le salaire minimum d’environ 70 euros brut. Syriza compte, en outre, lancer un programme de travaux publics sur deux ans censé fournir du travail à 300 000 personnes. Enfin, le nouveau premier parti de Grèce souhaite multiplier les aides aux PME, qui constituent l’essentiel du tissu économique du pays.
Avant fin juillet 2015, Athènes va devoir rembourser, en théorie, dix milliards d’euros à la Troïka (le Fonds monétaire international, l’Union européenne et la Banque centrale). Pour être plus précis, la Grèce doit restituer 4,3 milliards d’euros en mars prochain, puis six milliards d’euros avant le mois d’août.
Alexis Tsipras compte bien renégocier une partie de cette dette. Il prévoit une tournée européenne afin de discuter du calendrier des remboursements. L’Europe s'est montrée très claire : “rester dans la zone euro” signifie “qu’il faut respecter les règles”, a fait savoir le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, lundi 25 janvier. Il a ajouté que l’hypothèse d’un effacement d’une partie de la dette lui semblait moins crédible qu'un rééchelonnement des remboursements.
En outre, Athènes traîne toujours des dettes d'avant 2010, quand elle pouvait encore emprunter sur les marchés financiers. Le pays doit payer, en 2015, 7,9 milliards d’euros d’intérêt aux investisseurs privés. Syriza a assuré que le nouveau gouvernement honorerait ces dettes.
Ces emprunts à long terme ne plombent pas à eux seuls le budget grec. Athènes continue à lever à court terme (trois à six mois) de l’argent sur les marchés. L’avantage est que leur échéance est, généralement, renégociée plusieurs fois. Toujours est-il qu'en 2015, le pays devrait rembourser 18 milliards d’euros en plus des intérêts. Reste à savoir si les investisseurs privés accorderont leur confiance à un gouvernement de gauche radicale.
Mais Syriza peut compter sur environ 26,5 milliards d’euros de rentrées exceptionnelles d’argent en 2015.
Cette manne couvre les bénéfices que l’État grec compte tirer de la privatisation d’une partie de ses actifs publics (loterie, entreprise de production d’eau etc.) ou de son parc immobilier. Athènes doit également recevoir 1,8 milliard de l'UE en février, ainsi que 7 milliards du FMI.
Ces prêts sont, cependant, soumis à une condition : la Grèce doit appliquer la politique de réduction des dépenses prévues. Alexis Tsipras semble peu enclin à obtempérer... Les négociations s’annoncent tendues.
Syriza compte sur d'autres ressources financières. Le parti espère tirer près de trois milliards d’euros en plus grâce à une intensification de la lutte contre la fraude fiscale. Il assure aussi que la relance économique va se traduire par trois milliards d’euros supplémentaires de recettes pour l’État. Reste la question du fonds de soutien aux banques : l’Europe a mis en place une ligne de crédit de 11 milliards d’euros pour sauver les institutions financières. Le parti de gauche radicale souhaiterait y puiser pour financer, en partie, son plan de relance.
Conclusion : un simple calcul comptable démontre que Syriza n’a pas les moyens de ses ambitions. À quelque trois milliards d’euros près. D’où l’importance de la phase de négociation qui va débuter entre le nouveau pouvoir hellène et ses créanciers.