Shaïmaa al-Sabbagh a été tuée samedi, au Caire, lors d'une manifestation de militants de gauche. La police est mise en cause et le Premier ministre a annoncé l'ouverture d'une enquête sur ce décès qui suscite une vive émotion sur les réseaux sociaux.
Plusieurs centaines de personnes se sont réunies, dimanche 25 janvier, à Alexandrie, pour assister aux funérailles de Shaïmaa al-Sabbagh, une militante âgée de 35 ans tuée la veille dans les rues du Caire. Nombre d'entre eux ont crié leur colère et ont dénoncé la violence de la police, accusée d’avoir tué cette militante au cours d’un rassemblement pacifique. Il était organisé par le parti de "l'alliance populaire socialiste", qui voulait marquer l'anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011 et rendre hommage à ses sympathisants morts pendant les événements qui ont suivi.
Samedi, seuls quelques dizaines de manifestants participaient à cette cérémonie, durant lequel un dépôt de gerbes de fleurs était prévu. De nombreuses photos et vidéos attestent du calme de cet acte de commémoration qui n’était pas officiellement autorisé. Regroupés derrière une banderole, les manifestants brandissaient des pancartes dans la rue Talat Harrb, non loin de la place Tahrir. Des policiers interviennent ensuite et Shaïmaa al-Sabbagh s’effondre sur le trottoir. Un manifestant la prend alors dans ses bras pour la relever et tenter de lui venir en secours.
L’origine des tirs et la nature des projectiles restent désormais à déterminer. Le Premier ministre, Ibrahim Mahlab, a rapidement annoncé l'ouverture d'une enquête sur la mort de Shaïmaa al-Sabbagh et que "qui que ce soit ayant commis une erreur sera puni". Plusieurs manifestants présents ont affirmé que la jeune femme, âgée de 35 ans et mère d'un enfant de 5 ans, est morte après avoir été blessée par des tirs de la police qui dispersait la manifestation.
Une mort très symbolique
Les réseaux sociaux commentent très largement la mort de cette manifestante membre de la mouvance militante, laïque et de gauche, fer de lance du soulèvement populaire de 2011. Le hashtag #shaimaa_sabagh est utilisé par celles ou ceux qui veulent dénoncer la brutalité policière en Égypte. Beaucoup rappellent d’ailleurs que de nombreux manifestants ont connu un sort similaire sans que les autorités ne réagissent.
"La mort de Shaïmaa al-Sabbagh est symbolique car cela fait longtemps qu’un militant laïc ou une militante laïque n’ont pas été tués en Égypte" , explique Sonia Dridi, correspondante de France 24 au Caire. "La révolution avait été déclenchée un 25 janvier, qui est le Jour de la police en Égypte [férié, NDLR]. Et le fait que cette manifestante soit tuée la veille de cet anniversaire revêt une importance particulière".
À la suite de la mort du roi Abdallah d'Arabie saoudite, l’Égypte a décrété, le 23 janvier, un deuil national d’une semaine, ce qui a provoqué l'annulation de toutes les festivités marquant l’anniversaire de la révolution. "Mais même si les manifestants savaient que la manifestation n’était pas autorisée, ils ne comprennent pas la réponse des policiers. Ils affirment d’ailleurs qu’ils étaient allés voir les forces de l’ordre afin de leur expliquer l'objectif de leur marche pacifique", ajoute Sonia Dridi.
Contacté par la correspondante de France 24, Khaled Daoud, porte-parole du parti libéral Al-Doustour, a exprimé sa grande tristesse. "C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons fait la révolution. Nous nous sommes révoltés pour dénoncer le manque de respect de la police. (…) Et nous avons le sentiment d’affronter la même réalité", a déclaré Khaled Daoud.
---------------------------------------------------------------------------------
Au moins 15 morts dans des manifestations au Caire
Citant le ministère de la Santé, le site Internet du quotidien étatique "Al-Ahram" indique qu'au moins 15 personnes, dont un policier, ont été tuées et une trentaine d'autres 30 blessées, dimanche 25 janvier, au Caire, alors que manifestants et forces de l'ordre se sont affrontés en marge de rassemblements marquant le quatrième anniversaire de la révolte de 2011 qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir, notamment au Caire.