
Le roi Salmane d'Arabie saoudite, qui succède à son frère dans un contexte de vives tensions au Moyen-Orient, devra faire face à des défis diplomatiques, énergétiques et intérieurs. Le souverain n'a annoncé aucun changement dans la politique du pays.
Le prince héritier Salmane Ben Abdel Aziz al-Saoud, âgé de 79 ans, a pris, vendredi 23 janvier, la tête du royaume d’Arabie saoudite après la mort de son demi-frère, le roi Abdallah, survenue dans la nuit. Le nouveau souverain, ministre de la Défense depuis 2012, avait auparavant été gouverneur de la province de Ryad pendant un demi-siècle.
Le nouveau roi, qui lors de son premier discours a déclaré qu'il n'y aurait pas de changement dans la politique du royaume, a décidé de conserver tous les ministres de son prédécesseur. L'un de ses fils, Mohamed bin Salmane, lui succède au poste de ministre de la Défense.
Les défis régionaux : Al-Qaïda, l’EI et l'influence iranienne
Le décès du roi et l’accession au trône de Salmane interviennent dans un contexte de tension exceptionnelle au Moyen-Orient : la menace d’Al-Qaïda, de l’organisation de l'État islamique (EI), la montée en puissance de l’Iran, un cours du pétrole au plus bas et de timides avancées démocratiques.
"Les deux grands défis du royaume sont d’une part Al-Qaïda et l’EI, d’autre part l’influence iranienne", explique Walid Phares, spécialiste du Moyen-Orient, sur France 24.
itCes dernières années, face à l'influence grandissante des mouvements islamistes, l'Arabie saoudite du roi Abdallah a activement soutenu l'actuel gouvernement égyptien après la destitution par l'armée de Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, en 2013. Elle a par ailleurs fourni un appui aux rebelles syriens en lutte contre le pouvoir de Bachar al-Assad. Le conflit en Syrie est devenu le théâtre de la lutte d’influence régionale que se livrent l’Arabie saoudite, premier partisan de l’islam sunnite, et l’Iran, principal appui de l’islam chiite.
>> À lire sur France 24 : "L'Arabie saoudite soutient-elle l’EIIL ?"
Pour le politologue Karim Sader, Salmane "est issue d’une branche beaucoup plus radicale" de la monarchie saoudienne. "Cela peut signifier une politique plus agressive sur le plan régional. Il faut savoir que le roi Abdallah avait été critiqué pour sa politique de main tendue à l’encontre de l’Iran", explique le chercheur sur France 24.
>> À lire sur France 24 : "L’Arabie saoudite prête à négocier une détente diplomatique avec l’Iran"
Walid Phares constate que "l’influence iranienne transperce maintenant l’Irak, la Syrie jusqu’au Hezbollah au Liban". "Avec les événements du Yémen, le long bras de l’Iran va maintenant jusqu’au sud de la péninsule. Cela va être très dur de contenir l’influence iranienne sur deux fronts, le nord et le sud", estime-t-il.
La politique pétrolière : on ne change rien
La plupart des membres de la famille royale sont, semble-t-il, favorables à une poursuite de la politique menée jusqu’à présent sur le plan diplomatique et sur le plan énergétique.
>> À lire sur France 24 : "Le baril de pétrole à 20 dollars, un scénario pas seulement fiction"
L’Arabie saoudite abrite dans son sous-sol plus du cinquième des ressources mondiales d’or noir. Tous les regards sont donc tournés vers Salmane... qui ne devrait pas décider de changements majeurs de la politique pétrolière saoudienne. Le chef économiste de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) s'est montré plutôt serein, ce vendredi. "Après la mort du prince, je ne m'attends pas à un changement significatif de la politique pétrolière de l'Arabie saoudite, et j'espère qu'ils continueront à être un facteur de stabilité sur les marchés pétroliers, particulièrement en ces jours difficiles", a déclaré Fatih Birol en marge du forum économique mondial, qui se tient actuellement à Davos.
>> À lire sur France 24 : "Chute du prix du pétrole, à quoi joue l'Arabie saoudite ?"
L’arrivée de Salman, qui appartient au cercle de la cour depuis des décennies, ne devrait pas être non plus de nature à remettre en cause les relations entre Ryad et les États-Unis. La Maison Blanche a d’ailleurs été prompte à annoncer la visite du vice-président américain Joe Biden en Arabie saoudite. Il mènera dans les "prochains jours" une délégation présidentielle sur place afin de présenter les condoléances des États-Unis à la famille royale et à la nation saoudienne, indique un communiqué diffusé par Washington.
>> À lire sur France 24 : "Obama tente de rassurer l'allié saoudien sur la Syrie et l'Iran"
Sur le plan intérieur, la timide poursuite de réformes sociales
Le roi Abdallah a introduit des changements de manière prudente dans la société saoudienne, élargissant certains droits des femmes ou pratiquant la dérégulation économique sans toutefois s’engager vers une transition démocratique.
"Salmane est dans la ligne du roi Abdallah", assure Walid Phares. "Abdallah a été un réformateur mais d’une façon très lente. Les forces fondamentalistes à l’intérieur du royaume sont toujours très fortes. Donc le roi Salmane va continuer là où le roi Abdallah s’est arrêté : pousser un peu plus pour les droits de la femme – mais de façon vraiment très minutieuse –, d’autre part essayer d’étendre l’accès à Internet pour les jeunes mais toujours dans une approche conservatrice."
>> À lire sur France 24 : "Le roi Abdallah désigne un nouveau successeur parmi ses frères"
Lors des cinquante années passées à la tête de la province de Ryad, Salman a montré sa capacité à concilier les intérêts des groupes religieux, ceux des organisations tribales et ceux du pouvoir. C’est cet équilibre qui semble de nature à guider à nouveau la politique saoudienne. Mais sur le long terme, le pouvoir saoudien va aussi devoir se poser la question d’une population marquée par une forte croissance démographique et touchée par une hausse du chômage dans une économie qui demeure totalement dépendante des revenus pétroliers et est soutenue par de somptuaires subventions.
Avec Reuters et AFP