Alors qu’un accord sur une ligne de démarcation dans l’est de l’Ukraine a été conclu, au moins six civils ont trouvé la mort dans l’explosion d’un obus à Donestk. Les puissances occidentales, elles, durcissent le ton face aux forces pro-russes.
Il s’agit d’un des plus importants progrès diplomatiques accomplis ces dernières semaines en vue de résoudre la crise ukrainienne. La réunion qui a rassemblé des représentants de l’Ukraine, de la Russie, de l’Allemagne et de la France, mercredi 21 janvier, à Berlin, a abouti à un accord sur la création de zones de sécurité entre séparatistes et troupes gouvernementales dans le Donbass, région de l’est de l’Ukraine.
"Il y a finalement eu un accord conclu [mercredi] prévoyant que la ligne de démarcation, mentionnée dans le protocole de Minsk, sera la ligne à partir de laquelle devra commencer dès maintenant le retrait des armes lourdes, a annoncé le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier. Beaucoup dépendra de savoir si la question sur laquelle nous nous sommes mis d'accord n'est pas seulement valable sur le papier mais se traduit par un changement de la situation sur le terrain."
"Plus de 9 000 soldats russes" en Ukraine
La réunion de Berlin se tenait, alors que la tension militaire et diplomatique est extrêmement vive entre Kiev et Moscou. À quelques heures avant la réunion, le président ukrainien, Petro Porochenko, avait affirmé que "plus de 9 000 soldats de la Fédération de Russie" se trouvaient dans son pays "avec plus de 500 chars, pièces d'artillerie lourde et véhicules de transport de troupes".
"Par le passé, les Ukrainiens ont souvent exagéré ce genre d’affirmations, rappelle Gulliver Cragg, correspondant de France 24 en Ukraine. Mais il ne fait vraiment plus aucun doute maintenant que des soldats de l’armée régulière russe ont pris part à ce conflit. Il y en a un nombre important qui sont morts et dont les corps ont été rapatriés en Russie. C’est donc plausible qu’il y ait des soldats russes en train de combattre en Ukraine mais aussi des citoyens russes qui se présentent comme des mercenaires. En tous cas, plus on s’approche de la ligne de front, moins il y a de rebelles locaux et plus il y a de combattants russes."
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"Cette réunion n'a pas réglé tous les problèmes, mais elle a permis d'obtenir un accord sur le retrait des armes lourdes de part et d'autre de la ligne de contact agréée à Minsk le 19 septembre. Le groupe de contact trilatéral se réunira dans les jours qui viennent pour mettre en œuvre ce retrait, s'est félicité le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Les ministres aviseront ultérieurement en fonction du respect de cette mesure et du cessez-le-feu sur la tenue éventuelle du sommet d'Astana."
Lors de leur dernière rencontre à Berlin le 12 janvier, les quatre ministres avaient reporté sine die un sommet. Il avait un temps été envisagé le 15 janvier à Astana, au Kazakhstan, entre les présidents ukrainiens Petro Porochenko et russe Vladimir Poutine, sous l'égide du président français, François Hollande, et de la chancelière allemande, Angela Merkel.
Six civils tués à Donetsk
À Berlin, on espère que le coût exorbitant de la guerre, tant pour Kiev que pour Moscou, donnera une nouvelle chance à la diplomatie. Sur le terrain, toutefois, les combats se poursuivent. Six civils au moins ont été tués, jeudi 22 janvier, par un tir d'obus à Donetsk, a rapporté Reuters. Un obus de canon ou de mortier a explosé à un arrêt de trolleybus situé dans la partie sud de la ville. Les vitrines des magasins à proximité ont été soufflées par la déflagration.
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À l’aéroport de la ville, théâtre de combats entre les forces gouvernementales et les séparatistes pro-russes, l'armée ukrainienne a annoncé, jeudi, s'être retirée du nouveau terminal. "Hier, la décision a été prise de quitter le territoire du terminal pour de nouvelles positions", a déclaré un porte-parole militaire, Vladislav Selezniov. Selon le ministère de la Défense, au moins six soldats ont été tués dans le secteur au cours des dernières 24 heures.
Dans la région de Lougansk, qui comme celle de Donetsk a fait sécession en avril, les troupes ukrainiennes se trouvent toujours en position délicate autour de deux barrages qu'elles tenaient jusqu'alors.
"Annexion flagrante", selon Kerry
Le secrétaire d'État américain, John Kerry, a accusé, mercredi, les séparatistes pro-russes en Ukraine de vouloir se livrer à une "annexion flagrante" d'une partie de l'est du pays. Les États-Unis sont "particulièrement inquiets" des tentatives lancées par les rebelles de "prendre un important nœud ferroviaire" dans l'est de l'Ukraine en violation du cessez-le-feu signé en septembre, a déclaré le chef de la diplomatie américaine. D'après lui, les rebelles sont parvenus à étendre d'environ 1 300 km2 la zone qu'ils contrôlent.
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L'Ukraine "est la ligne de front où l'on se bat non seulement pour notre intégrité territoriale, notre souveraineté et notre indépendance, mais aussi pour la sécurité européenne, pour les valeurs européennes", a lancé Petro Porochenko de la tribune du Forum économique mondial de Davos. Et d'exhorter les pays occidentaux à maintenir leur soutien.
Montré du doigt par les Ukrainiens et par le président américain, Barack Obama, qui a déclaré, mardi, que les "grandes puissances ne peuvent malmener les petits" et que la Russie était plus "isolée" que jamais avec une "économie en lambeaux", Moscou a durci son discours.
Aux accusations de Kiev, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a rétorqué, mardi, en conférence de presse par un lapidaire : "Où sont les preuves ?"
Aux déclarations des États-Unis, il a répondu en fustigeant une volonté américaine de "dominer le monde". Le Kremlin a également accusé Washington de se servir du conflit en Ukraine et des sanctions économiques imposées depuis mars pour "asphyxier" l'économie russe et "renverser" le président Vladimir Poutine.
Avec AFP et Reuters