La Banque centrale européenne (BCE) s'apprête à baisser ses taux directeurs pour la troisième fois en moins de deux mois. Face à la récession et au ralentissement de l'inflation, une réduction record de 75 points pourrait être annoncée.
(AFP) - Face à la récession en zone euro et à un ralentissement brutal de l'inflation, la Banque centrale européenne va une nouvelle fois abaisser ses taux directeurs, et, gravité de la crise oblige, peut-être même de façon plus agressive qu'à son habitude.
La question n'est plus de savoir si la baisse aura lieu ou non jeudi lors de la réunion du conseil des gouverneurs de la BCE, qui se tient cette fois à Bruxelles, mais plutôt si la BCE aura la témérité de réduire de 75 points de base son principal taux.
En dix ans d'existence, la BCE n'a jamais été plus loin que 50 points. Mais les temps n'ont rien d'ordinaire.
"En fait, nous ne voyons aucun argument convaincant contre une baisse d'au moins 75 points de base jeudi prochain", souligne Holger Schmieding, de la Bank of America.
"Les grands indicateurs économiques plongent à des vitesses record, l'inflation chute et le chômage remonte en flèche dans la zone euro", énumère-t-il.
La zone euro est entrée en récession. Economistes et organisations internationales prédisent tous une contraction du Produit intérieur brut (PIB) des Quinze de l'euro l'an prochain.
Le marché de l'emploi commence à en souffrir: le taux de chômage est monté à 7,7% en octobre, son plus haut niveau depuis presque deux ans.
Parallèlement, le coup de frein de l'inflation est spectaculaire: de 3,2% en octobre, le taux est tombé à 2,1% en novembre, selon l'estimation d'Eurostat, essentiellement en raison de l'effondrement des cours du pétrole.
L'inflation va probablement tomber sous 1% d'ici au printemps prochain, estime Christoph Weil de la Commerzbank, et laisse toute latitude à la BCE pour ouvrir largement les vannes du crédit.
Le risque de déflation --d'une baisse généralisée des prix-- dans la zone euro "est bien plus important que celui d'un rebond des prix au delà du plafond de 2% que la BCE juge conforme à la stabilité des prix", renchérit Jennifer Mc Keown de Capital Economics.
Les gardiens de l'euro ont une autre bonne raison de frapper vite et fort. Avec la crise financière et la réticence des banques à se prêter en elles, les rouages de transmission des décisions monétaires sont grippés, soulignent les experts. En clair, les réductions de taux, qui produisent généralement leur effet dans un délai de six mois, n'agiront cette fois qu'avec plusieurs mois de retard.
La BCE a déjà allégé son principal taux directeur à deux reprises en l'espace d'un mois, d'abord le 8 octobre dans le cadre d'une action concertée avec ses homologues mondiales, puis début novembre lors de son conseil mensuel. De 4,25%, il est tombé à 3,25%.
"Nous sommes prêts à baisser les taux d'intérêts", a récemment déclaré son président Jean-Claude Trichet, se gardant d'en préciser l'ampleur. Le débat semble encore loin d'être tranché, certains responsables soulignant qu'il est toujours bon de garder des munitions pour l'avenir, ce qui revient à plaider pour un recul de 50 points de base.
Il y a un mois, les gouverneurs avaient évoqué la possibilité d'une réduction plus franche des taux mais ils ont finalement opté pour 50 points de base, le jour même où la Banque d'Angleterre avait fait preuve d'audace en diminuant le sien de 150 points de base.
Quoiqu'ils décident, le geste à la baisse de décembre ne sera pas le dernier, estiment en choeur les économistes. Ces derniers pensent que le principal taux descendra de 1,5 à 2% d'ici le printemps 2009.