Contacté par BFMTV quelques heures avant sa mort, l'un des auteurs de l'attaque contre "Charlie Hebdo" a affirmé avoir été mandaté par Al-Qaïda, confirmant des informations de sources américaines et yéménites publiées plus tôt dans la journée.
La piste yéménite dans la tuerie de "Charlie Hebdo" se confirme. Plusieurs sources yéménites et américaines affirmaient, dès vendredi matin, que l'un des deux frères Kouachi, soupçonnés par les autorités françaises d'être responsables de l’attaque contre le journal satirique, perpétrée le 7 janvier à Paris, a séjourné au Yémen en 2011.
Des propos finalement corroborés par le terroriste lui-même. Dans une conversation téléphonique avec la chaîne de télévision BFMTV, quelques heures avant l'assaut sur l'imprimerie de Dammartin-en Goële (Seine-et-Marne), dans lequel il a trouvé la mort avec son frère, Chérif Kouachi a affirmé avoir été mandaté par la branche yéménite d'Al-Qaïda, Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa).
Il assurait également que son voyage au Yémen en 2011 avait été financé par le prédicateur radical américano-yéménite Anwar al-Awlaki, tué lors d'une frappe par un drone américain en septembre de la même année.
Des sources yéménites et américaines
Dès vendredi matin, l’agence Reuters, donnait cette information, qui émanait d'un haut responsable des services de renseignement yéménites. Selon eux, Saïd Kouachi aurait passé plusieurs mois au Yémen pour y effectuer, comme un certain nombre d'étrangers, des études religieuses, précisait cette source.
De son côté, un responsable américain cité par "The New York Times" avait lui aussi indiqué que Saïd Kouachi s'était rendu en 2011 au Yémen et ce, afin de s'entraîner au maniement des armes auprès d'Al-Qaïda. Selon le journal, les "Français et les Américains savaient qu’il était allé s’entraîner au Yémen". Les autorités américaines ont par ailleurs souligné que les deux frères étaient placés "depuis des années" sur la liste noire américaine du terrorisme.
Le 7 janvier, les tueurs qui ont assassiné 12 personnes, avaient déclaré avoir commis leurs crimes au nom d’Al-Qaïda. Une première fois, avant même de commettre l’irréparable, lorsqu’ils ont menacé la dessinatrice Coco pour la forcer à ouvrir la porte de l’immeuble, ils s’étaient revendiqué d’Al-Qaïda. Après leurs crimes, les membres du commando auraient lancé à un témoin, cité par "20 Minutes", alors qu’ils abandonnaient leur véhicule dans le 19e arrondissement : "Vous direz aux médias que c’est Al-Qaïda au Yémen".
Charb, une cible prioritaire d’Aqpa
Les caricatures du prophète Mahomet, dessinées au Danemark et publiées par "Charlie Hebdo" en 2006, sont un thème cher à Al-Qaïda, qui n’a eu de cesse de communiquer sur le sujet, note Wassim Nasr, spécialiste des mouvements jihadistes à France 24. "Le journal satirique français a été désigné comme une cible par Ayman al-Zawahiri [bras droit et successeur d’Oussama Ben Laden à la tête de la nébuleuse, NDLR] en personne, et ce depuis des années", rappelle-t-il.
En mai 2013, le directeur de la rédaction de "Charlie Hebdo", Charb, assassiné mercredi avec ses collègues, avait également été désigné cible prioritaire par le magazine "Inspire", publié sur Internet en anglais et édité par Aqpa depuis 2010, sous la houlette d’Anwar Al-Awlaki (tué depuis par les drones américains). La tête du caricaturiste français était mise à prix avec la mention suivante : "Recherché mort ou vif pour crimes contre l’islam". Sur un avis de recherche calquée sur les "Wanted" du far-west, la photo de Charb était placée à côté de celles de Geert Wilders, député néerlandais islamophobe, et de Lars Vilks, un dessinateur suédois qui avait représenté en 2007 le prophète de l’islam en chien.
Toujours en 2013, le magazine, qui demande régulièrement aux volontaires du monde entier de "défendre le prophète Mahomet", appelait "des dizaines de Mohammed Merah" à "attaquer Paris".
Ce groupe, né en janvier 2009 de la fusion des branches saoudienne et yéménite d'Al-Qaïda, est dirigé par le Yéménite Nasser Al-Whaychi. "Le Yémen abrite la branche d’al-Qaida la plus dangereuse, car Aqpa a les moyens de son ambition qui est celle de frapper en Occident, explique Wassim Nasr. Ce qui visiblement s’est traduit dans les faits ces derniers jours".