Certains spéculateurs commencent à miser sur un baril de brut à 20 dollars. L'hypothèse a aussi été évoquée par le ministre irakien du Pétrole. Si un tel scénario défie la logique du marché, cela ne signifie pas qu'il est inenvisageable.
La chute des prix du pétrole semble sans fin. Le baril de Brent de la mer du Nord, la référence pour le marché du brut en Europe, est passé, mercredi 7 décembre au matin, sous la barre des 50 dollars pour la première fois depuis 2009.
Pour certains, il y aurait encore de la marge. Plusieurs investisseurs ont ainsi parié, ces derniers jours, que le brut tomberait à 20 dollars dans les mois à venir, rapporte le site américain MarketWatch, spécialisé dans la finance. Cette possibilité a aussi été évoquée fin décembre par le ministre saoudien du pétrole Ali al-Naïmi. Il avait précisé qu’une telle dégringolade ne nécessiterait pas de réaction de l’Opep.
Pourtant, ce serait du jamais vu depuis 2002. À cette époque, le baril entamait sa lente ascension qui allait multiplier les prix par quatre en dix ans. Un retour à une ère du pétrole à prix très bas est-il possible ? "La situation n'est pas du tout la même qu’il y a dix ans. Le pétrole était alors peu cher à produire et la demande beaucoup moins importante", rappelle Céline Antonin, spécialiste des questions pétrolières à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
"Coup de poker des spéculateurs"
Les besoins grandissants des pays émergents, ajouté au fait que l’or noir n’est pas éternel, devrait garantir une hausse continue des prix. Les six derniers mois - durant lesquels le cours du baril de brut a été divisé par deux - défient cette logique. "La situation n’est pas normale, donc une chute du baril à 20 dollars, bien que fort improbable, ne peut pas être exclue", remarque Céline Antonin, pour qui le pétrole devrait se situer aux alentours de 70 à 80 dollars.
Pour que cette chute devienne réalité, il faudrait avant tout "un gros coup de poker des spéculateurs", juge cette spécialiste. C'est, en effet, le principal levier qui peut faire encore chuter davantage les cours, puisque rien n'a évolué ces derniers mois sur le front de l’offre et de la demande.
Les spéculateurs sont d’ailleurs déjà à l'œuvre. Le volume des contrats passés sur l'achat et la vente future de pétrole, en Europe, a doublé entre les troisième et quatrième trimestres 2014. "C'est en partie le fait d’investisseurs inquiets, mais aussi de spéculateurs qui parient sur une baisse des prix", note Céline Antonin.
Qui peut se permettre un pétrole à 20 dollars ?
Pour elle, il n’y a qu’une raison qui puisse pousser ces boursicoteurs à agir ainsi : "Ils estiment que la production de pétrole conventionnel suffira à satisfaire une demande en berne". Seuls les pays qui extraient ce type de brut peuvent, en effet, supporter un prix à 20 dollars. Le baril de l’Arabie Saoudite, de l’Irak ou encore des Émirats Arabes Unis coûte ainsi entre 6 et 7 dollars à produire. Les autres États producteurs, qui ont surtout du pétrole non-conventionnel (de schiste ou bitumineux), ne peuvent pas se permettre une baisse trop importante des prix du brut, la production leur coûtant plutôt entre les 30 et 40 dollars.
Même l’Arabie Saoudite et consorts, qui font face à une baisse du pétrole conventionnel disponible, sont en train d’investir afin d’exploiter les nouveaux types de gisements, notamment off-shore. Ces projets coûtent de l’argent et ne vont pas de pair avec un brut à prix cassé. "En clair, les spéculateurs estiment que, non seulement, le pétrole conventionnel va suffir mais aussi que tous les projets vont être interrompus, ce qui n’est pas réaliste", analyse Céline Antonin. Pour elle, si le baril descend à 20 dollars, il n’y restera que quelques jours au maximum avant de remonter à des niveaux plus normaux.