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Des scientifiques britanniques ont réussi pour la première fois, lundi, à créer une enzyme synthétique prouvant que les être vivants peuvent être constitués par un élément autre que l’ADN, tel que nous le connaissons à ce jour.
La nature est-elle en passe d'être remplacée ? Dans leur effort de répliquer le processus de création de la vie, des scientifiques britanniques ont réussi pour la première fois à fabriquer de toutes pièces une enzyme à partir de matériel génétique qui n’existe qu’en laboratoire. Cette prouesse, annoncée lundi 1er décembre par le laboratoire de biologie moléculaire de Cambridge, peut permettre de mieux comprendre les origines de la vie, voire d’ouvrir de nouvelles pistes pour chercher des traces de vie extra-terrestre.
Tout cela grâce à une simple enzyme artificielle ? “C’est une étape importante, cela fait plus de trente ans que des scientifiques travaillent sur ce sujet”, confirme à France 24 Marius Réglier, chimiste à l’Institut des sciences moléculaires du CNRS à Marseille. Cette réalisation en laboratoire, si elle vient à être confirmée, est, en fait, un aboutissement.
Les scientifiques britanniques avaient déjà pu créer de l’ADN synthétique, baptisé AXN (le X signifiant non-naturel). Ils avaient aussi réussi, il y a deux ans, à obtenir que cette AXN se réplique toute seule, “ce qu’elle ne faisait jusqu’alors que dans la nature”, rappelle Marius Réglier. Il ne restait plus qu’une étape qui, jusqu’à présent, semblait hors de portée de cette ADN synthétique : “Dans la nature, elle se réplique et ensuite traduit [c’est-à-dire transforme] les informations génétiques qu’elle transporte en protéines, qui sont nécessaires pour tous les être vivants”, explique Marius Réglier. L’enzyme est une protéine, ce qui signifie donc que ces chercheurs ont maîtrisé de bout en bout la chaîne… pour un ADN.
Vie extra-terrestre ou application militaire
Pour vraiment comprendre le processus de création de vie, voire “synthétiser entièrement un être vivant comme une bactérie en laboratoire, il faudrait multiplier les AXN qui créent les différentes protéines nécessaires”, remarque Marius Réglier. On n’y est pas encore.
Le résultat que les chercheurs de Cambridge affirment avoir obtenu démontre, cependant, que la vie ne vient pas forcément de l’ADN tel que nous le connaissons. “Cela prouve que lorsqu’on cherche des traces de vie extra-terrestre, il ne faut pas se contenter de regarder les mêmes traces génétiques que celle sur terre”, affirme au quotidien “The Independent” Philipp Holliger, qui dirige l’équipe du laboratoire de Cambridge à l’origine de l’expérience réussie. Pour lui, “le ‘choix’ de la vie sur terre d’opter pour de l’ADN n’est peut-être qu’un accident de la chimie préhistorique”. “Cette annonce élargit en effet le champ des possibles”, reconnaît Marius Réglier.
Mais pour lui, cette nouvelle étape comporte aussi sa face cachée. “C’est un peu jouer aux apprentis sorciers sans vraiment savoir dans quoi on met les doigts”, remarque-t-il. La biologie synthétique a, en effet, de nombreux détracteurs qui y voient une manière pour l’homme de trop vouloir contrôler la nature. Marius Réglier souligne que si cette quête de la création de vie en laboratoire peut avoir des conséquences bénéfiques, rien n’empêche d’imaginer, par exemple, des applications militaires. Qu’en serait-il, par exemple, d’une bactérie dangereuse créée de toutes pièces en laboratoire utilisée comme une arme ? Seul son créateur détiendrait alors le remède.