Le chef des musulmans du Nigeria accuse l'armée de fuir face aux attaques de Boko Haram et de "terroriser" la population civile dans le nord-est du pays. Des critiques gênantes pour Goodluck Jonathan, candidat à sa propre succession en 2015.
Lâche. Le jugement est sévère et sans détour. Les autorités musulmanes nigérianes accablent l’armée qui, selon elles, ne fait que "terroriser davantage des populations déjà terrorisées", sans les protéger pour autant des exactions commises par Boko Haram, la secte islamiste qui fait sa loi dans le nord-est du Nigeria.
"Les soldats prennent leurs jambes à leur cou et abandonnent leur base, leurs armes, leurs munitions et tout leur équipement militaire à l'approche des insurgés", accuse dans un communiqué l'organisation des musulmans du Nigeria (JNI), qui s'exprime au nom du Sultan de Sokoto, Muhammad Sa'ad Abubakar, le chef des musulmans du pays.
"Les forces de l'armée nigériane ne refont surface qu'après la fin des attaques meurtrières, et terrorisent davantage des populations déjà terrorisées, en installant des barrages routiers et en fouillant les maisons", ajoute le texte.
C’est la première fois qu’un dignitaire religieux du rang du Sultan de Sokoto a des mots aussi durs à l’égard de l’armée. Mais les critiques se multiplient néanmoins. La semaine dernière, l'Émir de Kano, Sanusi Lamido Sanusi, deuxième autorité musulmane du Nigeria, avait également mis en doute la compétence de l'armée et affiché son soutien aux miliciens locaux dans la lutte contre Boko Haram.
Des critiques embarrassantes pour l’armée et l’État
Déjà en campagne pour sa réélection en février prochain, le président Goodluck Jonathan fustige ces propos, considérant que les autorités religieuses ne doivent pas s'impliquer dans les questions politiques et militaires. Le chef de l’État était déjà vivement critiqué par la population et la communauté internationale depuis l’enlèvement de 276 lycéennes en avril dernier, dans la ville de Chibok. Il est accusé de ne pas être en mesure d’assurer la sécurité de la population et de manquer de réactivité.
Pour l’armée, également dans la ligne de mire de la vindicte populaire, c’est un coup dur alors qu'elle a repris Chibok aux islamistes la semaine dernière. Dans un discours prononcé ce weekend lors d'un déplacement à Atlanta, aux États-Unis, le porte-parole de l'armée nigériane, Chris Olukolade, a accusé les médias étrangers et autres "militants" de dénigrer les efforts de l'armée dans le nord-est du pays, d'affecter le moral des troupes et de ternir l'image du Nigeria à l'étranger.
Sur le terrain, les milices et les chasseurs se substituent à l’armée
Sur le terrain, les Civilian JTF, des jeunes réunis au sein de milices pour combattre les islamistes, semblent s'être substitués à l'État et son armée - en sous-effectif et mal équipée. Ce sont ces miliciens armés d'arcs, de machettes, de bâtons et de fusils artisanaux, qui, avec l'aide de chasseurs, ont repris la semaine dernière la ville de Mubi, carrefour commercial de l'État de l'Adamawa, aux islamistes.
Une vingtaine de villes, dans les États du Borno, Yobe et Adamawa, restent contrôlées par Boko Haram. L'état d'urgence, en vigueur depuis mai 2013 dans ces trois États du nord-est du Nigeria, a expiré jeudi. Pourtant, les violences n’ont cessé d’augmenter et Boko Haram y a décrété un "califat". Plus de 13 000 personnes ont été tuées depuis le début de l'insurrection de Boko Haram, en 2009, et près de 1,5 million d'habitants ont été déplacés par les violences.
Avec AFP