Jeu vidéo parmi les plus attendus de l’année, "Assassin’s Creed Unity", qui a pour cadre le Paris de 1789, est accusé par le cofondateur du Parti de gauche de proposer une "relecture de l’histoire" qui a pour but de dénigrer "la grande Révolution".
C’est sur un terrain plutôt inattendu que Jean-Luc Mélenchon vient d’enfourcher son nouveau cheval de bataille : celui du jeu vidéo. Depuis jeudi 13 novembre, le cofondateur du Parti de gauche dit tout le mal qu’il pense d’"Assassin’s Creed Unity", dernier opus de la franchise de l’éditeur français Ubisoft dont l’action se déroule dans le Paris de la fin du XVIIIe siècle, au cœur de la Révolution française.
Pour l’ancien candidat à la présidentielle de 2012, le jeu, disponible à la vente depuis jeudi, propose une version fallacieuse de cette page de l’histoire française. "C'est de la propagande contre le peuple, s’est-il emporté, vendredi, sur les ondes de France Info. Le peuple, c'est des barbares, des sauvages sanguinaires. Et celui qui est notre libérateur à un moment de la Révolution, Robespierre, est présenté comme un monstre. On dénigre pour dénigrer ce qui nous rassemble, nous les Français. C'est une relecture de l'histoire en faveur des perdants et pour discréditer la République une et indivisible."
"Poncifs contre-révolutionnaires"
Plus que le jeu en lui-même – difficile de savoir s’il y a joué -, c’est la vidéo de présentation qu’Ubisoft a produite à l’attention du marché anglo-saxon qui aurait déclenché les foudres de Jean-Luc Mélenchon. Dans cette bande-annonce, Maximilien de Robespierre est en effet présenté comme un révolutionnaire "bien plus dangereux que n’importe quel roi", dont le "règne de Terreur" fut responsable "de centaines de milliers de morts et de rues remplies de sang".
Mais avant Jean-Luc Mélenchon, c’est le secrétaire général du Parti de gauche, Alexis Corbière, qui, le premier, a sonné la charge contre le clip promotionnel. Sur son blog, ce professeur d’histoire évoque une vidéo qui "reprend à son compte tous les poncifs contre-révolutionnaires forgés depuis plus deux siècles. Le peuple de Paris est présenté comme une cohorte brutale et sanguinaire, c'est lui qui produit la violence, toujours lui qui de façon aveugle fait couler le sang, notamment du bon roi débonnaire."
Pour moi, les créateurs d'Assassin's creed unity véhiculent une absurde propagande contre-révolutionnaire http://t.co/1avAiUj8GP #ACUnity
— Corbiere Alexis (@alexiscorbiere) 13 Novembre 2014Connu pour son attachement à la Révolution de 1789, Alexis Corbière s’était déjà insurgé, en décembre 2013, contre la reconstitution en 3D du visage vérolé de Robespierre. "Ce type d’approche dangereuse marque la fin de la politique et de l’Histoire qui invitent à réfléchir, au profit du sensationnalisme le plus vulgaire", avait-il écrit sur son blog. Jean-Luc Mélenchon lui avait emboîté le pas, fustigeant une "vieille ruse de l’iconographie, dont je fais les frais plus souvent qu’à mon tour : la laideur du visage est censée révéler la laideur de l’âme !"
"Un jeu grand public, pas une leçon d'histoire"
Chez Ubisoft, on se défend en tout cas d’être soumis au devoir de véracité. Dans une interview accordée au "Monde" avant la polémique, Antoine Vimal du Monteil, l’un des producteurs du groupe français, indiquait qu’"Assassin’s Creed est un jeu grand public, pas une leçon d’histoire".
Répondant davantage à des logiques marketing que scientifiques, le développeur justifiait ainsi les nombreuses libertés prises avec les faits historiques, comme la présence dès 1789 de l’actuel drapeau français pourtant créé en… 1794. "Nous avons choisi le drapeau français le plus connu plutôt qu’un drapeau qui serait obscur pour de nombreux joueurs. Il en va de même de ‘La Marseillaise’ [écrite en 1792], c’est un symbole important. Comme le disait un historien, on a l’illusion d’être dans la Révolution française, c’est l’expérience d’ensemble qui prime. Le jeu propose par ailleurs une encyclopédie très complète."
Quant aux amateurs de la saga "Assassin’s Creed", ils semblent davantage énervés par le peu de maniabilité du dernier épisode que par le message qu’il est censé véhiculer. À peine "Unity" sorti, de nombreux joueurs publiaient sur Internet des captures d’écran et des vidéos montrant les dysfonctionnements qui le rendent, selon eux, injouable. Face à la déferlante de plaintes, Ubisoft a promis de sortir un correctif qui sera téléchargeable. Le développeur français s’est fixé pour objectif d’écouler entre 10 et 12 millions d'unités sur l’année en cours.