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L'accord sino-américain sur le réchauffement climatique peut laisser froid

Les États-Unis et la Chine ont annoncé de concert, pour la première fois mercredi, un engagement commun et chiffré pour lutter contre le réchauffement climatique. Un accord qualifié d’historique. À tort ou à raison ?

Il y a un hic dans l’historique. Le président américain Barack Obama a salué, mercredi 12 novembre, un "accord historique" sur le climat entre les États-Unis et la Chine. Le locataire de la Maison Blanche et son homologue chinois Xi Jinping ont, en effet, annoncé de concert une série d’engagements pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais la portée de ces annonces est moins forte que leur valeur symbolique.

Les deux premiers pollueurs du monde n’avaient jamais auparavant évoqué ensemble et publiquement des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre. À un an de la conférence sur le climat à Paris, jugée déterminante pour tenter de ralentir le réchauffement de la planète, cette prise de parole commune peut, en effet, changer la donne. "Cet accord pose des fondations solides et impulse un important élan pour les négociations qui se tiendront à Paris", a commenté Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU.

L’obstacle des républicains

Mais les "fondations solides" et "l’élan" ne changeront pas, à eux seuls, la face de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Le diable, en l’occurrence, est dans les chiffres, et les experts, tout en reconnaissant la valeur de l’engagement sino-américain, sont plus circonspects quant à l’ambition des deux partenaires d'un jour dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Les États-Unis se sont engagés à réduire de 26 à 28 % leurs émissions d'ici 2020, par rapport au niveau de 2005. De son côté, Pékin a affirmé que la Chine "ambitionne" de faire de son mieux pour que ses émissions de gaz à effet de serre atteignent un pic en 2030, et que le pays commence ensuite à les réduire.

Le nouvel objectif fixé par Barack Obama représente, sans conteste, une accélération des efforts américains. Jusqu’à présent, les États-Unis visaient une réduction de 17 % d’ici à 2025. Mais pour permettre à la température mondiale de ne pas augmenter de plus de 2°C d’ici 2100 (seuil critique d’après les experts du GIEC), les États-Unis "devraient réduire leurs émissions de 50 à 60 %", estime le Centre pour la science et l’environnement (CSE, une ONG indienne de lutte contre le réchauffement climatique).

Barack Obama devrait, en outre, avoir du mal à faire accepter ce nouvel objectif par un Congrès à majorité républicaine. Mitch McConnell, le leader républicain au Sénat, a qualifié ces annonces de "guerre idéologique contre le charbon", rapporte Reuters. L’opposition au président a fait, d’après l’agence de presse, de l'attaque contre la politique climatique d'Obama l’un de ses chevaux de bataille pour 2015.

Pékin, sans effort

Les engagements chinois semblent encore moins impressionnants. D’abord, Pékin continue à ne pas se fixer d’objectif chiffré en matière de réduction des émissions. Même la volonté d’atteindre un pic en 2030 doit être relativisée. "Par rapport à quoi, à une augmentation de 20 % d’ici là, de 15 % ou de 10 % ?", s’interroge Michael Levi, spécialiste des questions climatiques au Centre américain des relations internationales (CFR).

D’autres assurent, en outre, que le président Xi Jinping ne prend pas beaucoup de risques en fixant 2030 comme date butoir. L’Académie chinoise des sciences sociales a estimé, la semaine dernière, qu’en raison d’un ralentissement de l’urbanisation, les émissions de gaz à effet de serre devraient avoir atteint leur pic… en 2030. En clair, sans faire d’effort particulier, la Chine devrait tenir ses nouveaux engagements.

Autre signe de la relative modestie des efforts de la Chine : son nouvel objectif en matière d’utilisation d’énergies "propres". Xi Jinping a annoncé que 20 % de la consommation d’énergie proviendrait de sources non-fossiles en 2030, contre 10 % en 2013. Un bel effort ? Pas tant que ça, puisque Pékin a établi, en 2009, un objectif de 15 % à l'horizon 2020. "Ce n’est vraiment pas grand chose et en considérant la forte croissance du secteur des énergies renouvelables, l’objectif devrait être plus ambitieux", a expliqué à Reuters Tao Wang, un spécialiste chinois du climat.

L’annonce commune a donc beau être politiquement importante, l’accord qui en résulte ne pose par la barrière très haute. En tout cas, pas encore suffisamment haut pour contenir la hausse de la température sous le seuil critique des 2 %.