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En Égypte, un étudiant arrêté en possession du roman "1984"

La police a arrêté ce weekend un étudiant de 21 ans devant l’Université du Caire pour avoir filmé sans autorisation les forces de l'ordre. Circonstance aggravante : le jeune homme avait en sa possession le roman anti-totalitariste "1984" d'Orwell.

C’est une arrestation qui en dit long sur le climat égyptien actuel. Un étudiant de 21 ans, Mohammed T, a été arrêté samedi 8 novembre devant l’Université du Caire, en Égypte. Son crime : avoir filmé des installations sécuritaires et des cars de police devant l’établissement – qui avait été visé par un attentat le 22 octobre. Un comportement suffisamment suspect à l’heure où l’Égypte a engagé l’ensemble des forces du pays dans une "guerre" contre le terrorisme islamiste.

Après avoir emmené le suspect au poste de police, les militaires découvrent que le jeune homme a en sa possession un cahier contenant des notes sur le califat et le sulfureux roman de George Orwell "1984", une parabole sur le despotisme moderne. "Il [Mohammed T] avait en sa possession deux portables sans batterie et le roman ‘1984’ évoquant des régimes militaires corrompus et des pays gouvernés de manière dictatorialE", peut-on lire dans le communiqué des forces de sécurité, retranscrit dans le journal égyptien "Al-Masry Al-Youm".

Un détail du procès verbal, qui fait rapidement le tour des réseaux sociaux, et fait suffisamment de bruit pour que la police se fende d’une justification. Dans une interview au journal "Mada Masr", dimanche 9 novembre, un des chefs de la police, le général Mahmoud Farouk, a expliqué "qu’au moment de l’arrestation, aucun d’entre [eux] ne connaissait le roman."

Welcome to the real life #1984 #Egypt | http://t.co/x79cPrbqNf

— تسنيم (@TassnimAli) 10 Novembre 2014

L’arrestation n’a donc pas été motivée par la détention du roman – façon "Fahrenheit 451" de Bradbury - mais le posséder est apparemment une circonstance aggravante. La police ne s’est pas contentée de lister le roman parmi les objets retrouvés sur le suspect, elle a choisi de le commenter. Et c’est là que le bât blesse. "Cette histoire est surtout révélatrice d’un État paranoïaque qui a peur d’un simple étudiant avec un bouquin", commente Sonia Dridi, correspondante de France 24 au Caire. "L’Égypte est un pays qui se sent constamment sous attaque".

Depuis l’arrivée au pouvoir du maréchal Sissi l’été dernier, l’Égypte est gouvernée d’une main de fer par les militaires. Critiquer le régime est passible de poursuites judiciaires. Au mois de mars, Omar Abul Maged, un jeune agriculteur de 31 ans en a fait la triste expérience après s’être moqué du leader. Il avait détourné son image pour la caricaturer sur un poster humoristique. Accusé d’avoir "humilié l’armée", l’homme a été condamné à un an de prison.

"War is peace. Freedom is slavery. Ignorance is strength." .- George Orwell, 1984 #Egypt

— Mona Eltahawy (@monaeltahawy) 9 Novembre 2014