Après le décès d'un opposant à la construction du barrage de Sivens, les regards se tournent vers les "zadistes", ces militants acharnés qui défendent les terres qu’ils jugent menacées. Tour d'horizon de ces écologistes qui luttent contre le système.
Barrage de Sivens (Tarn), aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ligne à grande vitesse Lyon-Turin en Val Susa, ferme des 1 000 vaches à Drucat (Somme), futur grand stade de Lyon... Ces dernières années, les projets de construction contestés par les écologistes se sont multipliés et, avec eux, le profil des militants. Après la mort de Rémi Fraisse, le 26 octobre, victime, selon les militants, de la violence policière sur le chantier du barrage du Testet, tous les regards se tournent vers ces défenseurs de l’écologie, parfois assimilés à des "jihadistes verts".
Sur les "zones à défendre" (ZAD, d’où le nom de "zadistes"), on compte des écologistes, bien-sûr, mais aussi des anarchistes, des anticapitalistes, des ultra-radicaux de gauche, des habitants du coin ou encore des militants de passage venus prêter main forte.
Nom de code "Camille"
Lorsqu’ils sont interrogés par la presse, ces militants prétendent très souvent s’appeler "Camille". Un prénom, qui sied à la fois aux hommes et aux femmes, censé favoriser l’anonymat. De fait, il est très difficile d’établir un portrait-robot de ces anti-systèmes qui investissent les terres, qu’ils jugent menacées, pour quelques heures, quelques jours, quelques mois. On y crée même des systèmes de vie alternatifs.
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"Les militants sont très divers", explique Irène Pereira, sociologue spécialiste du militantisme et des mouvements sociaux, contactée par France 24. "Mais leur point commun c’est qu’ils se définissent tous comme écologistes et dénoncent des projets ayant un impact négatif sur l’environnement", poursuit-elle. D’où qu’ils viennent, les zadistes partagent la crainte de voir les richesses s’épuiser et prônent le recours à une autonomie alimentaire et un mode de vie moins consumériste.
Militants issus de la classe moyenne, ces groupes d’amoureux de la nature sont composés de nombreux jeunes. "Parmi eux, on constate une grande mobilité et une grande disponibilité. Certains se déplacent sur plusieurs sites. C’est un mode de vie bien spécial qui ne correspondrait peut-être pas à des personnes en CDI avec des enfants à charge", explique Irène Pereira.
La spécialiste risque même une comparaison avec les Indignés, qui ont occupé la place Puerta del Sol à Madrid en 2012. "La méthode d’action est la même, on investit les lieux pour exprimer son désaccord." Irène Pereira constate que les jeunes de ces mouvements sont généralement diplômés et précaires. Un combo qui génère un sentiment d’exclusion dans une société qu’ils finissent par rejeter.
Irréductibles Gaulois, jihadistes verts
Mais le mouvement zadiste est également composé d’agriculteurs directement concernés par les projets de construction, de militants politiques ou de Monsieur Tout le Monde, comme l’indique Benoît Hartmann, porte-parole de l’association France Nature Environnement, qui affirme fédérer près de 850 000 militants et quelque 3 000 associations.
"Rémi Fraisse était Monsieur Tout le Monde. Un pacifiste, comme la plupart des militants écologistes", affirme-t-il sur l’antenne de France 24. "Ce mouvement dépasse très largement les milieux associatifs. La vérité, c’est que la parole de la société civile est très peu souvent entendue et que cette frustration s’incarne chez les 'zadistes'. C’est devenu un mouvement social."
itPour Benoît Hartmann, il s’agit de couper court aux fantasmes que nourrit le mouvement.
En 2012, à Notre-Dame-des-Landes, une opération des forces de l’ordre pour déloger les "zadistes" avait été baptisée "César", assimilant de fait les militants anti-aéroport à d’irréductibles Gaulois de la bande dessinée "Astérix". Mercredi 29 octobre, suite au décès de Rémi Fraisse, le président de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles), Xavier Beulin, a estimé que l'opposition au barrage de Sivens avait généré "des jihadistes verts".
"C’est totalement indécent, c’est un amalgame absolu", a déploré Benoît Hartmann. "Il s’agit d’un grand mélange des genres entre les militants écologistes et un certain nombre d’éléments agitateurs que vous retrouverez dans toutes les manifestations, quel que soit le sujet, parce qu’il y a toujours des gens qui ont envie d’en découdre avec la police."
De son côté, Marc, un zadiste, tente de se détacher de l’image de marginal que l’on essaie de lui coller. "En marge de quoi ?" rétorque-t-il, interrogé par France Info. "Nous sommes de plus en plus nombreux à vivre ainsi. Peut-être des milliers."
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"Les luttes pour l'environnement sont revenues au goût du jour"
Selon la sociologue Irène Pereira, ces luttes pour l’environnement sont revenues au goût du jour dernièrement, après avoir connu de beaux jours dans les années 70-80, notamment avec la lutte dans le Larzac ou l’opposition à la construction du tunnel du Somport. "De nos jours, la question du changement climatique s’est associée au contexte de la crise économique. Cela a largement modifié la conscience écologique. On tente désormais d’agir local pour penser global."