La France doit envoyer d'ici à mercredi soir son projet de budget 2015 pour examen par la Commission européenne. Bruxelles, qui dispose depuis un an d'un droit de regard sur les projets de budgets nationaux, pourrait bien sanctionner Paris.
Tous les regards des responsables français sont tournés vers Bruxelles, en ce mercredi 15 octobre, qui marque la date limite à laquelle la France peut présenter son budget 2015 à la Commission européenne.
Les négociations pour la validation de ce budget par l’Union européenne s’annoncent ardues, en dépit de la bonne volonté affichée par le gouvernement, qui annonce un effort historique de 50 milliards d'euros d'économies sur trois ans, dont 21 milliards l'an prochain, et la promesse d'un agenda de réformes structurelles. D’autant plus que Paris n’a pas voulu modifier son projet de budget pour 2015 avant les discussions au niveau national qui ont débuté mardi.
"La souveraineté appartient au Parlement [français]", a déclaré le ministre des Finances, Michel Sapin, dans une interview aux "Échos" publiée lundi. "Les documents budgétaires ont été adoptés en conseil des ministres, déposés devant le Parlement, où ils commencent à être débattus. Demander des changements maintenant n’aurait aucun sens", explique-t-il pour justifier la décision de la France de ne pas retoucher sa copie.
Pourtant, le risque de voir ce budget désapprouvé par la Commission européenne est important. Celle-ci a jusqu’au 30 octobre pour évaluer le projet. Depuis un an, la Commission dispose en effet d'un droit de regard sur les projets de budgets nationaux. Elle peut soit valider, soit demander formellement à un État de revoir le sien, ce qui n'est encore jamais arrivé.
Sanctionner pour montrer l’exemple ?
Le principal problème qui se pose à la France reste son déficit. Paris ne peut honorer pour la troisième fois sa promesse de retour en-dessous de la barre des 3 % du PIB, désormais prévu pour 2017. Les prévisions du déficit public pour 2015 sont fixées à 4,3 % du PIB.
Bruxelles pourrait sanctionner Paris pour donner l’exemple, estime Caroline de Camaret, spécialiste des questions européennes à France 24. Car derrière la France, l’Italie est en procédure de déficit excessif, et les pays sous plan de sauvetage de l’Union européenne pourraient être tentés eux aussi de "faire sauter les verrous" du Pacte de stabilité : "La Commission européenne est un peu coincée, elle est obligée de réaffirmer son autorité sur ce qui est inscrit dans les traités sur les budgets nationaux. Elle doit éviter les erreurs du passé. En 2003, lorsque la France avait obtenu un blanc-seing pour ne pas avoir respecté le pacte, cela a eu des retombées qu’on ressent encore actuellement sur les déséquilibres dans la zone euro."
En théorie, la Commission pourrait infliger à Paris une amende d’environ 4 milliards d’euros. Mais une telle mesure ne paraît pas très productive, aux yeux de Caroline de Camaret. "Bruxelles a compris que taper trop directement sur la France fait monter le Front national", explique la spécialiste. Le président du Conseil italien, Matteo Renzi, avait d’ailleurs envoyé un conseil de prudence à Bruxelles le 3 octobre en déclarant qu’il préférait "une France à 4,4 % de déficit qu’une France dirigée par Marine Le Pen".
Paris fait des efforts
Dans son projet de budget, Paris fait valoir son engagement envers des réformes structurelles, au travers notamment d'un projet de loi sur les professions réglementées ou encore d'un projet de réformes sur le marché du travail.
Parmi les autres mesures du projet de budget 2015 figurent la création d'un crédit d'impôt pour la transition énergétique, et l'augmentation de deux centimes par litre de la taxe sur le diesel, qui pourrait même être augmentée pour compenser l'impact de la suspension de l'écotaxe poids lourds.
Moscovici va-t-il sanctionner Paris ?
La France pourra peut-être compter sur le soutien de Pierre Moscovici, récemment nommé à la tête de la Commission des affaires économiques européennes.
L’ancien ministre français des Finances a été choisi à ce poste après un vote serré de la Commission, alors que certains parlementaires européens émettaient des doutes sur sa capacité à juger avec impartialité de l'état des finances françaises.
Auditionné par le Parlement européen, il s’était engagé à faire preuve d’intransigeance sur les déficits. "Il faut le faire sans complaisance pour les uns, sans excès de dureté pour les autres. Il faut traiter tous les États - grands ou petits - selon les mêmes règles, et selon leurs mérites propres", avait-il déclaré alors, se distançant du même coup de son gouvernement socialiste et laissant peu d’espoir pour Paris de voir Bruxelles faire preuve de souplesse dans le dossier français.
Avec AFP