Les mauvaises nouvelles se succèdent en Allemagne et son modèle économique semble montrer ses limites. Certains demandent à Berlin de dépenser plus pour se relancer, ce qui pourrait faire les affaires des autres pays européens.
En Allemagne, une mauvaise nouvelle chasse l’autre. Les principaux instituts allemands de prévisions économiques ont, jeudi 8 octobre, revu à la baisse leur estimation de croissance pour 2014 et 2015. Et pas qu’un peu : le PIB allemand ne devrait plus progresser que de 1,3 % cette année et 1,2 % l’an prochain contre 1,9 % et 2% auparavant.
Quelques heures plus tôt, ce sont les exportations, moteurs de la croissance germanique, qui faisaient grise mine. Elles ont chuté de 5,8 % en août, leur plus mauvaise performance depuis janvier 2009. Et que dire de la production industrielle, un autre pilier de l’économie nationale ? Elle est en repli de 4% en août. Là encore, l’Allemagne n’avait pas connu ça depuis cinq ans. Comble de l’affront au “made in Germany” : c’est la production d’automobiles qui connaît le déclin le plus violent avec une baisse de 25,4%.
Dépenser plus...
Il n’en a pas fallu beaucoup plus pour déclencher un début de panique. “Qu’est-ce qui nous arrive ?”, s’interroge, alarmiste, le très populaire tabloïd allemand “Bild”. L’état actuel de l’économie mondiale, qui démontre les limites du modèle de croissance allemand, y est pour beaucoup. Du moins, c’est l’avis de Laurence Nayman, spécialiste de l’Allemagne au Centre d'études prospectives et d'informations iInternationales (CEPII). “La baisse de la croissance du PIB mondial, notamment dans les pays émergents, s’est traduite par une chute de la demande de biens allemands”, résume-t-elle.
À cela s’ajoutent les sanctions économiques qui frappent la Russie dans un contexte géopolitique tendu. “Le marché russe concerne 10% des exportateurs allemands, donc l’impact n’est pas négligeable et il est encore plus important pour les PME d’ex-Allemagne de l’Est qui dépendent beaucoup des commandes russes”, analyse Laurence Neyman.
Mais, paradoxalement, ces mauvaises nouvelles économiques sont peut-être une bonne chose pour la France et le reste de l’Union européenne. Les principaux instituts économiques allemands, très écoutés par Berlin, ont appelé à davantage d’investissement public dans les infrastructures pour soutenir la croissance. Augmenter les dépenses ? Une pilule que la chancelière allemande Angela Merkel a toujours refusé d’avaler, malgré les demandes répétées en ce sens de ses partenaires européens, Paris en tête.
Coup de pouce aux consommateurs allemands ?
“Il est clair que l’Allemagne, dont le réseau ferroviaire est mal en point et qui n’a pas suffisamment investi dans sa politique de transition énergétique, aurait besoin de dépenser plus dans ces secteurs, ce qui peut créer des opportunités pour des entreprises étrangères, notamment françaises”, estime Laurence Neyman. Elle ne croit cependant pas à une politique d’investissements massifs dans le pays où la règle d’or fait figure de loi sacrée. “Le ministre des Finances Wolfgang Schaüble a présenté un projet de budget 2015 à l’équilibre, c’est-à-dire qu’il ne prévoit pas une augmentation des dépenses publiques pour stimuler la croissance”, rappelle cette experte. Le gouvernement serait d’autant moins enclin à faire une entorse à son orthodoxie budgétaire qu’il a imposé aux länders (régions allemandes), il y a peu, de se conformer aussi, d’ici à 2019, à la règle des 3 % de déficit. L’objectif est donc le même pour tous : politiquement, Berlin se doit de montrer l’exemple.
Autre scénario envisagé : le pouvoir pourrait opter pour une stimulation de la consommation pour compenser le ralentissement de la machine allemande à exporter. L’instauration d’un revenu minimum et les appels des syndicats à des hausses de salaires semblent indiquer que Berlin y pense. Là encore, ce serait une bonne nouvelle pour la France et des pays comme l’Espagne qui tentent de se relancer par les exportations, notamment vers l’Allemagne.
Ce serait alors un virage à 180° pour un pays qui a bâti sa fortune récente sur le succès de ses exportations, en délaissant complètement ou presque sa consommation intérieure. Pour y arriver, il faudrait que les entreprises investissent davantage pour donner plus de pouvoir d’achat à leurs salariés. On n’en est loin assure Laurence Neyman. “Face aux ralentissements de la demande mondiale, les entreprises préfèrent se constituer des réserves”.
Pour elle, les turbulences économiques traversées par la première puissance européenne se révèleront, au mieux, sans impact significatif sur les autres pays de l’Union européenne. Mais, insiste-t-elle, que si le moteur de l’économie du Vieux continent se grippe davantage, les importations pourraient chuter. Ce qui ne fera pas les affaires de ses partenaires commerciaux, au premier rang desquels, la France dont l’Allemagne est, en effet, de loin le premier client.