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L'ancien dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier est mort sans avoir été jugé

L'ex-président haïtien Jean-Claude Duvalier est mort samedi à Port-au-Prince d'une crise cardiaque. La justice venait d'ordonner, il y a tout juste quelques mois, une enquête sur les crimes contre l'humanité imputés à l'ancien dictateur.

L'ancien dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier est mort samedi 4 octobre à Port-au-Prince d'une crise cardiaqu,e à l'âge de 63 ans, a annoncé la ministre de la Santé Florence Guillaume Duperval.

Surnommé "Bébé Doc", Jean-Claude Duvalier a hérité en 1971 du pouvoir de son père, le dictateur François Duvalier, alors qu'il n'avait que 19 ans. Un pouvoir qu'il a conservé jusqu'en 1986, avant d'être renversé par une révolte populaire. Il était revenu à la surprise générale en Haïti en 2011, après avoir passé 25 ans en exil en France. L’ex-"président à vie" avait alors déclaré vouloir "aider le peuple haïtien".

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Une enquête en cours pour crimes contre l'humanité

Depuis son retour, de nombreuses plaintes avaient été déposées contre lui, pour arrestations illégales, torture, emprisonnement et exil forcé de ses opposants, mais aussi détournements de fonds. Aucun procès n'avait pu être organisé.

Après plusieurs refus de comparaître, Jean-Claude Duvalier s'était présenté pour la première fois devant la cour d'appel de Port-au-Prince en février 2013. Il avait alors recueilli les applaudissements nourris de ses partisans réunis dans la salle d'audience en déclarant "avoir fait le maximum pour assurer une vie décente à [ses] compatriotes", durant ses années au pouvoir.

"À l'époque, le gouvernement gérait la misère mais les entreprises publiques fonctionnaient bien (...) et les Haïtiens envoyaient leurs enfants à l'école. Je ne peux pas dire que la vie était rose mais les gens vivaient décemment", avait-il fait valoir, niant toute responsabilité.

À l'occasion de la comparution de "Bébé Doc" devant la cour d'appel, la justice haïtienne avait ordonné une nouvelle enquête sur les crimes contre l'humanité "imprescriptibles" imputés à l'ancien dictateur. La cour a estimé qu’il pourrait être tenu pour responsable des atteintes commises par l’armée et la milice des "tontons macoutes", à l’époque où il était au pouvoir. Cette milice qui faisait déjà régner la terreur en Haïti sous la présidence de son père.

Concrètement, la cour d’appel avait chargé un nouveau juge d'instruction de recueillir d'autresz informations auprès des plaignants et d'interroger des anciens dignitaires du régime. À l'issue de cette enquête, la décision devait être prise de poursuivre ou non l'ancien dictateur.

Accusé d'avoir détourné les aides versées à Haïti

Dans la continuité de son père François Duvalier, "Bébé Doc" avait mis le pays à genoux. Au début de sa présidence, de 1973 à 1975, il prône l’apaisement, mais cela sera de courte durée. Car dès les années 1980, Jean-Claude Duvalier annihile toute forme de contestation.

Des milliers d’opposants sont torturés et massacrés. Dominant un peuple totalement muselé, le jeune chef d’État se livre alors en toute impunité au pillage des ressources de son pays. La famille Duvalier détourne une part importante des aides versées à l'État haïtien sous le couvert d’œuvres sociales.

Ces détournements laissent le pays exsangue et provoquent, dès 1984, les premières émeutes de la faim. Au mois de mai de cette année-là, des journalistes d'Antenne 2 filment les manifestations de la population en colère. Leurs images, sidérantes, montrent le dictateur jetant des billets de banque à la foule depuis les fenêtres de sa limousine. Elles marqueront à jamais les esprits.

Face à la détérioration de la situation, "Baby Doc" quitte Haïti en 1986 et trouve refuge en France. Cela provoque l’indignation générale, ce qui pousse le gouvernement d'alors, dirigé par Laurent Fabius sous la présidence de François Mitterrand, à promettre qu’il n'y restera que 8 jours. Mais Jean-Claude Duvalier résidera en France jusqu'en 2011, soit pendant 25 années, sans avoir jamais obtenu officiellement l’asile politique.

Accusé d'avoir détourné plus de 100 millions de dollars de fonds publics lorsqu'il était au pouvoir avec son ex-épouse, "Baby Doc" aura mené un train de vie luxueux jusqu'à la fin de sa vie. Juste avant sa mort, il vivait retiré dans un quartier huppé des hauteurs de Port-au-Prince.

Avec AFP