
La gauche a perdu sa majorité au Sénat, à la faveur des élections sénatoriales de dimanche. Souvent décriée pour son conservatisme, la chambre haute a pourtant permis l’adoption de quelques réformes sociétales.
C’était mathématique, le Sénat devait basculer à droite dimanche 28 septembre, lors du renouvellement de la moitié des sièges de la haute assemblée. Un calcul qui résulte directement des municipales de mars 2014, au cours desquelles la gauche a essuyé un sérieux revers. Le collège électoral chargé d’élire les sénateurs est en effet majoritairement composé de délégués des conseils municipaux, lesquels sont désormais très majoritairement acquis à la droite.
Pourtant, en septembre 2011, le Sénat avait basculé à gauche pour la première fois depuis le début de la Vème république, après les échecs successifs de la droite lors de scrutins locaux. À l’époque, François Hollande, alors candidat à la primaire socialiste, avait estimé qu’il s’agissait d’un "événement historique". "Si le prochain président de la République est de gauche, ce sera pour lui un sérieux atout", avait-il envisagé, huit mois avant son élection à la tête du pays.
Trois ans après, quels changements a-t-il incarné par rapport à des Sénats acquis à la droite ? Et surtout, l’organe de pouvoir a-t-il réellement été un atout pour le président ?
Des réformes sociétales
"Ce Sénat de gauche a accompli des réformes sociétales et une modernisation de la vie politique", constate Olivier Rouquan*, spécialiste de politique française. Parmi ces réformes, on notera la modification du mode de scrutin de l’institution elle-même, adoptée en 2013, qui apporte davantage de représentation aux aires urbaines sur les bancs du Palais du Luxembourg. Mais aussi la loi sur la transparence de la vie politique et l’adoption du mariage pour tous. Cette dernière, précise Olivier Rouquan, aurait rencontré bien plus d’oppositions si le Sénat avait été à droite.
"Le Sénat est une institution réputée pour être composée de beaucoup d’anciens et de peu de femmes. Ce n’est pas le lieu où l’on s’attend à des réformes sociétales. Mais dernièrement, il a effectué des changements, il évolue petit à petit", commente l’expert.
Ces trois dernières années, le Sénat a été à l’origine de propositions de loi créant par exemple les lanceurs d’alerte, renforçant la lutte contre la contrefaçon ou les pouvoirs du Défenseur des droits.
Une "majorité" indisciplinée
Toutefois, plusieurs projets de loi ont rencontré des obstacles, élevés dans les rangs même de la gauche. Ainsi, écologistes, communistes ou radicaux de gauche ont freiné l’adoption de la loi sur le budget, la réforme des retraites ou encore le cumul des mandats. La réforme territoriale est, et reste, quant à elle, l’un des points de frictions majeurs.
Des frictions normales au sein de la chambre haute, rappelle toutefois Olivier Rouquan. "C’est la raison d’être du Sénat. Le fait qu’il manifeste son indépendance vis-à-vis de la majorité politique, même si elle est du même bord que lui, est courant. C’est même une tradition sous la Vème République."
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Une indépendance qui pourrait être d’autant plus affirmée en cas de majorité de droite, étant donné que les sénateurs de l’opposition seraient en mesure de retarder l'adoption des textes auxquels ils seraient hostiles. Néanmoins, d’après le fonctionnement parlementaire, c'est toujours l'Assemblée nationale qui tranche en cas de désaccord sur un texte législatif.
Un symbole fort
Pour le politologue Thomas Guénolé, l’impact de la bascule à droite annoncée est davantage d’ordre symbolique. "C’est un message important. Le Sénat de gauche aura duré ce que durent les roses", lance-t-il.
À mi-mandat, cette redistribution des cartes serait en effet un mauvais signal politique – encore un - pour François Hollande. Surtout au moment où Nicolas Sarkozy se lance pour la présidentielle de 2017.
* Olivier Rouquan est enseignant à l’ISMAPP (Institut supérieur du management public et politique). Il est l’auteur de "Droit constitutionnel et gouvernances politiques", publié en août 2014 aux éditions Gualino.
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Un premier sénateur FN ?
Un sénateur Front national pourrait faire pour la première fois son entrée au Palais du Luxembourg, après les succès du parti d'extrême droite en mars, en particulier dans le sud-est. "Un probable, deux possibles", a pronostiqué le vice-président du parti Florian Philippot.