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Islamabad, la capitale pakistanaise, est le théâtre depuis samedi soir de heurts violents entre force de l'ordre et manifestants qui exigent la démission du Premier ministre Nawaz Sharif. Au moins deux personnes ont été tuées et 400 autres blessées.

Dans la soirée du 30 août, la contestation anti-gouvernementale au Pakistan a viré à l'affrontement ouvert. Deux personnes ont été tuées et 400 autres blessées dans Islamabad, la capitale où des  milliers de manifestants campent depuis le 15 août pour obtenir la démission du Premier ministre, Nawaz Sharif. À leur tête, l'ancien joueur de cricket reconverti en homme politique nationaliste, Imran Khan, et le leader religieux Tahir ul-Qadri qui vit au Canada.

C’est à l’appel de ces deux leaders que quelque 25 000 manifestants, alors réunis devant le Parlement, se sont mis en marche samedi soir vers la résidence du Nawaz Sharif, située non loin de "l'enclave diplomatique", zone sécurisée où sont établies les principales ambassades, dont celles de la France et des États-Unis.

Le gouvernement prêt à utiliser "toutes les forces nécessaires"
Devant l'afflux de manifestants, dont certains munis de bâtons ou de lance-pierres selon un correspondant de l'AFP, la police pakistanaise a eu recours au gaz lacrymogène et à des balles en caoutchouc. C'était la première fois que les forces de l'ordre utilisaient du gaz et des balles de ce type depuis le début de la fronde antigouvernementale. Des manifestants ont aussi attaqué les bureaux de la chaîne de télévision privée Geo, considérée favorable au gouvernement dans ce conflit.
"Les manifestants ont voulu envahir des édifices qui sont des symboles de l’État. Nous avons répondu à leur tentative et allons continuer de le faire en utilisant toute la force nécessaire. Il en va de notre devoir", a déclaré le ministre pakistanais de la Défense, Khawaja Asif.

Selon des sources hospitalières, les violences ont fait au moins deux morts, dont un homme victime d'une attaque cardiaque, et plus de 400 blessés dont près de 80 policiers, une soixantaine de femmes et cinq enfants. La plupart des blessés civils ont été atteints par des balles en caoutchouc, a indiqué Wasim Khawaja, porte-parole de l'hôpital universitaire d'Islamabad.
Tôt dimanche, les affrontements se sont propagés à Lahore, capitale de la province du Pendjab, la plus peuplée du pays. Selon un journaliste de l'AFP sur place, des partisans d'Imran Khan y ont notamment incendié des pneus et bloqué des routes dans certains quartiers de la ville alors que la police a tenté de disperser la foule à l'aide, encore une fois, de gaz lacrymogène.
Les raisons de la colère
Imran Khan Khan et Tahir ul-Qadri accusent Nawaz Sharif d'avoir bénéficié de fraudes massives pendant les législatives de mai 2013 ayant porté sa Ligue Musulmane (PML-N) à la tête d'un gouvernement majoritaire. Les observateurs internationaux avaient pourtant jugé crédible ce scrutin, qui avait permis la première vraie transition démocratique de l'histoire du "pays des purs", tout en faisant état d'irrégularités éparses.
Malgré la fronde, le gouvernement a annoncé qu'il n'était "aucunement question" que le Premier ministre Sharif démissionne. D'ailleurs, ce dernier jouit d'un fort appui dans la population qui reste en grande partie sceptique face à la démarche des opposants Qadri et Khan.
Il y a deux semaines, alors que commençaient les manifestations anti-Sharif dans la capitale, le gouvernement a demandé à l'armée de protéger les bâtiments stratégiques dans le centre de la capitale, la résidence officielle du Premier ministre incluse. Mais dans un pays à l'histoire jalonnée de coups d'État, certains soupçonnent les opposants d'être téléguidés par les militaires afin d'affaiblir Nawaz Sharif, voire de provoquer un chaos qui forcerait une intervention musclée de l'armée.
Selon certaines analyses, l'armée reproche à Nawaz Sharif d'avoir trop attendu avant de déclencher, en juin, une opération militaire contre les fiefs talibans dans la zone tribale du Waziristan du Nord, sa tentative de rapprochement avec l'Inde rivale et le procès pour "haute trahison" intenté au général Pervez Musharraf, une première dans l'histoire du Pakistan.

Avec AFP