
Après la décapitation d’un journaliste américain par les jihadistes de l’Organisation de l’État Islamique, en Irak, la communauté internationale affiche sa volonté de riposter. Mais ses déclarations ne laissent pas entrevoir de stratégie commune.
Si l’avancée spectaculaire de l’organisation de l’État islamique en Irak inquiétait, la décapitation du journaliste américain James Foley a fait office d’une onde de choc au sein de la communauté internationale. Jusqu’au patron d’Interpol, Ronald Noble, qui a appelé, jeudi 21 août, à la mise en place "d'une réponse multilatérale".
Le porte-parole du gouvernement irakien, Ali al-Moussawi, a pour sa part souhaité qu’un consensus international soit rapidement trouvé. "Le monde doit s’unir pour éradiquer cette organisation ainsi que ses alliés. Ils bénéficient du soutien de pays, d’organisations et d’individus et nous ne pourrons pas les éliminer sans combattre l’extrémisme de toutes les manières possibles".
Le président François Hollande a appelé de ses vœux la mise en place d’une "stratégie globale" contre un "quasi-État terroriste", mais peu d’éléments semblent indiquer, pour l’heure, quelle forme celle-ci pourrait prendre.
Paris et Washington ont pour l’instant livré des armes aux forces kurdes pour les aider à repousser l’offensive jihadiste dans le nord de l’Irak. Berlin et Rome se sont dits prêts à en faire de même. Depuis le 8 août, les États-Unis, qui ont affirmé que l'État islamique n'avait "pas sa place au XXIe siècle", ont par ailleurs mené 89 frappes aériennes sur le territoire irakien. Serait-ce là le début d’une coopération militaire occidentale contre la progression des jihadistes ?
"Une coalition de bonnes volontés"
Pour Myriam Benraad, politologue, spécialiste de l’Irak au Ceri-Sciences Po, la réponse est sans hésitation "non". Pour le moment, "il s’agit d’une coalition de bonnes volontés", lance-t-elle. Après un retrait des troupes américaines d’Irak fin 2011, un retour sur le terrain ne semble pas être au programme de la Maison Blanche. "Pour Obama, il n’est pas du tout question de s’impliquer de nouveau en Irak", affirme-t-elle.
Selon un responsable américain, le Pentagone envisage toutefois d'envoyer quelque 300 soldats supplémentaires en Irak, ce qui porterait à environ 1 150 le nombre de soldats et de conseillers militaires présents dans le pays. "L’avancée des jihadistes met à mal son leadership. Obama veut faire en sorte que le conflit se règle au niveau régional", poursuit Myriam Benraad. Mercredi, le président Barack Obama a en effet exhorté "les gouvernements et les peuples du Moyen-Orient" à lutter contre l’organisation de l’EI.
Lutte pour l'hégémonie
L’éradication de l’organisation de l’EI en collaboration avec des acteurs régionaux semble pour autant difficile à mener, en raison de la lutte pour l'hégémonie que se livrent les États des environs, comme l’Arabie saoudite, le Qatar ou la Turquie. "Chacun joue actuellement sa carte, malgré l’urgence de la situation", explique Myriam Benraad. L’Arabie saoudite ne bronche pas. L’Iran fait des déclarations contradictoires sur une éventuelle collaboration avec les États-Unis. "On assiste à un jeu très cynique qui aboutit à la catastrophe", déplore Myriam Benraad, ajoutant que ces pays sont "embêtés car le monstre qu’ils ont indirectement contribué à créer leur échappe".
L’organisation de l’État islamique, qui veut instaurer un califat en Irak et en Syrie, a été financée par des donations de plusieurs pays du Golfe au moment d’intervenir sur le territoire syrien, notamment du Qatar et de l'Arabie saoudite. Ces aides auraient cessé, une fois l'EI entré en conflit ouvert avec les autres mouvements rebelles. La Turquie, elle, aurait laissé passer des armes destinées au groupe islamiste.
Ce statut quo régional ne laisse entrevoir, selon Myriam Benraad, aucune solution imminente, à part si l’EI perpétue des attentats sur le sol d’un de ces pays, comme l’Arabie saoudite. "Un tel scénario ferait réagir Riyad."