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Otages : la France, premier banquier des djihadistes d’Al-Qaïda

Dans une enquête, le "New York Times" évalue à 125 millions de dollars les revenus que la nébuleuse Al-Qaïda aurait tiré de rançons depuis 2008, en grande partie payées par la France mais aussi par des voisins européens, notamment au Sahel.

Alors que les gouvernements européens nient verser des rançons pour libérer des ressortissants détenus par Al-Qaïda et ses alliés, le "New York Times" révèle, dans son édition de mardi 29 juillet, que les djihadistes ont récolté au moins 125 millions de dollars américains (93 millions d’euros) grâce aux enlèvements depuis 2008 – dont 66 millions (49 millions d'euros) pour la seule année 2013. Selon les chiffres du département américain du Trésor compilés par le journal, le total serait même de 165 millions de dollars (123 millions d’euros) sur la même période.

Ces sommes proviendraient dans leur grande majorité de pays européens. Certains paiements ont parfois été déguisés en aide au développement, dévoile le "New York Times" dans un article étayé de nombreux témoignages d'anciens otages, négociateurs, de diplomates et de représentants de gouvernement de 10 pays en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient.

Trente millions pour les otages français d’Aqmi en 2013

L'enquête du "New York Times" répertorie plus de 90 millions de dollars (67 millions d’euros) versés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi, en Afrique du Nord) depuis 2008 par la Suisse, l'Espagne, l'Autriche, par le groupe nucléaire français Areva et deux paiements provenant de sources indéterminées. La seule libération de quatre otages français au Sahel, en octobre 2013, se serait faite en échange d’une rançon de 30 millions d’euros, écrit le "New York Times". Les insurgés Shebab, en Somalie, ont reçu 5,1 millions de dollars de l'Espagne, tandis qu’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa, au Yémen) a reçu près de 30 millions de dollars en deux versements, l'un du Qatar et d'Oman, l'autre d'origine indéterminée, écrit le quotidien.

Seule une poignée de pays, États-Unis et Grande-Bretagne en tête, ont refusé de payer pour libérer leurs ressortissants enlevés, affirme le journal, avec pour résultat que seulement quelques-uns ont été sauvés, soit par des interventions militaires, soit en s'échappant. Cependant, les États-Unis ont été disposés à négocier dans certains cas, comme récemment en échangeant cinq prisonniers talibans détenus à Guantanamo contre le soldat américain Bowe Bergdahl, capturé en Afghanistan.

Le kidnapping, une aubaine pour les finances d'Al-Qaïda

Alors que le réseau d'Al-Qaïda a été financé à l'origine principalement par de riches donateurs, les "enlèvements contre rançon sont devenus aujourd'hui la plus importante source de financement du terrorisme", avait averti David S. Cohen, sous-secrétaire au Trésor américain pour le terrorisme et le renseignement financier, dans un discours en 2012. "Chaque transaction encourage une autre transaction."

L'organisation terroriste a ouvertement reconnu cette aubaine, note le journal. "L'enlèvement d'otages est un butin facile", a écrit Nasser al-Wuhayshi, le chef d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique, "que je pourrais décrire comme un commerce rentable et un précieux trésor". Selon Al-Wuhayshi, l'argent de la rançon – soit environ 10 millions de dollars par otage dans des affaires récentes – représente jusqu'à la moitié de son budget de fonctionnement.

En 2013, les dirigeants du G8 se sont engagés à "rejeter sans équivoque le paiement de rançons aux terroristes", mais sans imposer une interdiction formelle. Mais "le fait que l’Europe et ses intermédiaires continuent à payer a mis en place un cercle vicieux", écrit le "New York Times".

Avec AFP