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Vidéo : l’armée thaïlandaise décrète le bonheur pour tous

"Ramener le bonheur dans le pays", c’est le programme ambitieux que les militaires thaïlandais sont bien décidés à appliquer, après des années de farouches divisions politiques. Le général Prayuth Chan-ocha - le très sérieux chef de la junte - va donc chaque semaine en personne animer une émission intitulée "le retour du bonheur", un programme diffusé obligatoirement sur toutes les radios et les télévisions du pays en vertu de la loi martiale appliquée dans le pays depuis la fin mai.

Dans le même temps, des "centres de réconciliation" ouvrent leurs portes dans toutes les régions thaïlandaises et des festivités - où "les citoyens sont invités à venir se détendre" - organisées en masse. Dans la capitale, Bangkok, même scénario surréaliste : plusieurs fois par semaine depuis le coup d'État, la junte militaire organise des fêtes géantes à la gloire des soldats, héros du peuple et sauveurs de la nation.

"Nous voulons que les Thaïlandais se parlent et se comprennent"

Pour faire passer son message, l'armée ne lésine pas sur les moyens : on chante, on danse, la nourriture, là encore, est gratuite, tout comme les soins médicaux… Une opération séduction du Conseil national pour la paix et l'ordre, les nouveaux maîtres du pays. Et à en croire les badauds présents aux kermesses, cela fonctionne : "Mes copines et moi nous sommes très heureuses. Les gens ici sont vraiment contents de ce que fait l'armée. Ils vont régler nos problèmes. Et puis ensuite, peut-être, il y aura des élections. On attendra un an ou même un an et demi… Cela n'a pas d'importance", explique une passante au micro de FRANCE 24.

Une partie de la population de Bangkok voit en effet d'un bon œil la reprise en main des soldats, gage de stabilité et de sécurité. "Ce que nous cherchons à rétablir dans ce pays, c'est un climat serein de confiance. Le seul but de ces festivités que nous organisons est de rapprocher les Thaïlandais. Nous avons bon espoir d'y arriver même dans les bastions des Chemises rouges [les partisans du gouvernement renversé en mai dernier, NDLR]", affirme à FRANCE 24 le colonel Werachon Sukondhapatipak, porte-parole du Conseil national pour la paix et l'ordre. Et d’ajouter : "Nous voulons que les Thaïlandais se parlent et se comprennent à nouveau. C'est tout notre programme du retour au bonheur dans la société. Cela doit amorcer une atmosphère propice pour engager des réformes sociales."

"Méthodes dignes de la gestapo"

Du côté des Chemises rouges, justement, l’ambiance est loin d’être à la fête. "Les militaires peuvent dire ce qu'ils veulent, qu'ils font tout cela pour rétablir la paix, mais moi je suis contre ces méthodes, ce sont des méthodes de dictateurs. Et ce n'est pas en organisant des kermesses et des concerts dans tout le pays que l'on va régler les problèmes, les gens ne disent rien, mais au fond d'eux-mêmes ils détestent les putschistes...", assure un libraire, interrogé dans un centre commercial désert traditionnellement fréquenté par les opposants à l’armée.

Même si les voix dissidentes se font rares, la junte a tout de même de sérieux ennemis, parmi lesquels quelques rares journalistes qui défient la censure et la peur d'être arrêtés. "C'est une bombe à retardement ! Plus la junte va réprimer, plus la colère va monter. Tout cela est une stratégie de guerre psychologique, on organise des fêtes avec un pistolet sur la tempe, en censurant, en arrêtant, en contrôlant tout avec des méthodes dignes de la gestapo", dénonce Chuwat Rerksirisuk, rédacteur en chef du journal en ligne "Prachataï".

Des réactions qui laissent entrevoir un long et sinueux chemin avant d’atteindre la grande réconciliation nationale plaidée par la junte, d’autant que celle-ci n’a toujours pas indiqué combien de temps elle comptait rester au pouvoir.