Deux ans et demi après leur retrait militaire, les États-Unis sont contraints de remettre le doigt en Irak. L'opposition et les médias américains accusent le gouvernement d'être parti trop tôt ou d'avoir manqué de stratégie en Syrie voisine.
Face à la rapidité de l'offensive des combattants de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), les Américains n'ont pas d'autre choix que de renforcer leur appui à une armée irakienne en déroute. Très réticent à intervenir militairement sur des théâtres extérieurs, Barack Obama a déclaré, jeudi 12 juin, "ne rien exclure" et examiner toutes les options à sa disposition, y compris des frappes aériennes, pour venir en aide au gouvernement irakien.
Quelle que soit la décision prise par l'armée américaine, l'idée de remettre le doigt en Irak deux ans et demi après le départ du dernier soldat américain - et ce, au terme d'un très lourd engagement militaire pendant huit ans -, rend la presse américaine amère. "Les Américains ont laissé derrière eux un État irakien incapable de tenir debout seul, écrit le "New Yorker". Ce que nous avons construit s'est écroulé. Voilà ce qui reste de la guerre en Irak”.
"Ce n’est pas pour cela que moi et mes amis nous sommes battus, ce n’est pas ce pour quoi ils sont morts." Voilà ce qu’écrit John Nagl, un vétéran américain des deux guerres en Irak, dans les colonnes du "Washington Post". "Nous payons aujourd’hui le prix de notre précipitation en Irak et de notre indécision en Syrie", poursuit-il. Pour le quotidien, "l'administration américaine a besoin de prendre conscience de cette poudrière au Moyen-Orient, et doit établir une stratégie qui va plus loin qu'un départ précipité d'Irak."
"Que fait le président ?"
Car c'est bien ce que les Républicains reprochent au président Obama : l'absence présumée de stratégie américaine dans la région. John Boehner, président de la Chambre des représentants, a brocardé "l'échec de la politique américaine en Syrie, Libye et Égypte, et l'absence de stratégie plus large pour le Moyen-Orient [qui] a un impact direct sur la situation en Irak". Les "terroristes" sont "à 100 miles de Bagdad, et que fait le président ? Il fait la sieste", a-t-il lancé.
Le sénateur John McCain a même réclamé la démission de l'équipe de sécurité nationale du président Obama, visant sa conseillère Susan Rice et le secrétaire d'État John Kerry.
"Nous n'avons pas eu de stratégie régionale de sécurité nationale, pour gérer ce qui se passe en Syrie, en Irak, en Jordanie", renchérit le général Eaton, dénonçant lui aussi un "échec" des États-Unis en Syrie, qui aurait "contribué" au succès de l'EIIL en Irak. Le département d'État a lui-même reconnu que "l'impact de la crise en Syrie et son débordement en Irak ont clairement été un facteur majeur" de l'offensive des djihadistes radicaux.
Printemps arabe de 2011
Le politilogue Christopher Chivvis, du centre d'études Rand, voit même dans l'insurrection en Irak le résultat d'un "choc exogène, qui est clairement le Printemps arabe" de 2011. "Sans le Printemps arabe, il est bien moins probable que l'on ait assisté à cette détérioration en Irak", pense-t-il.
Reste que pour les États-Unis, d'autres possibilités s'offrent à Washington, comme d'éventuelles frappes aériennes, l'accélération de la livraison d'armements et l'intensification de la formation des forces armées irakiennes. De fait, résume pour l'AFP le général en retraite Paul Eaton, "ce que les armées occidentales font de mieux, c'est d'apprendre aux autres à se battre".
Avec AFP