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À Bangui, la journée de désarmement ne fait pas recette

La "journée de désarmement volontaire", organisée dimanche à Bangui par les autorités centrafricaines, a rencontré un succès mitigé. La collecte, timide chez les chrétiens, a connu davantage d'affluence dans le quartier musulman.

Alors qu’une soixantaine de grenades, des machettes, une quinzaine de fusils et d’arcs ont été récoltés au PK-5, l'enclave où vivent reclus les derniers musulmans de Bangui, dimanche 8 juin, le bilan a été plutôt maigre chez les chrétiens, pourtant majoritaires dans la capitale de la Centrafrique. La "journée de désarmement volontaire" décrétée par le Premier ministre, André Nzapayéké, a accentué les divergences qui opposent les deux communautés.

"Je ne veux plus avoir de problème, je veux la paix, nous avons beaucoup souffert. J'ai entendu parler de cette journée et j'ai tout rendu", explique à l’AFP Mahomet Abdel, en sortant de la mairie du 3e arrondissement au cœur du PK-5. Au lendemain des violences du 5 décembre 2013, ce père de famille avait acheté dix grenades quand les anti-Balaka, les milices chrétiennes, avaient mené une attaque d'envergure visant les ex-rebelles de la Séléka et plus généralement les musulmans de la ville, qui se sont ensuite vengés.

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Chaque grenade coûte 2 500 francs CFA (3,8 euros), soit le prix de deux kilos de sucre. Mahomet en a utilisé huit pour "gâter" des anti-Balaka. La dernière fois, c'était il y a deux semaines, lors d'un match de foot de la réconciliation organisé entre chrétiens et musulmans. Les choses avaient dégénéré, trois musulmans avaient été décapités.

Au PK-5, près de 200 personnes sont venues dimanche matin rendre des armes aux soldats de la Mission de soutien à la Centrafrique (Misca) et employés de la mairie qui avaient pour tâche de relever les noms et les numéros de téléphone des déposants.

De l'autre côté de la ville, à Bimbo, une commune majoritairement chrétienne, c'est la soupe à la grimace. Deux balles de kalachnikov et une grenade artisanale ont été récoltées en quatre heures. À la mairie du 5e arrondissement, près du PK-5, on compte seulement quelques cartouches et des explosifs.

"J'aime mon pays, je désarme volontairement"

"Ça se passe bien mais le dispositif militaire fait peur aux gens", a pu observer sur place Denis Wangao Kizimale, ministre de la Sécurité publique en pointant les soldats français venus patrouiller devant la mairie.

À Boy-Rabé, le fief des anti-Balaka, on fait aussi les comptes : trois roquettes, trois obus de mortier, trois grenades et des munitions de 14-5 ont été récupérées. "C'est normal, ici les gens n'ont pas d'armes, elles sont toutes au PK-5, justifie Blondel, tee-shirt blanc. J'aime mon pays, je désarme volontairement." "On nous demande de désarmer, on rapporte les armes. Si les autres ne veulent pas désarmer, c'est leur problème", s'agace de son côté Lawane Ismaël, représentant de la mosquée Atick du PK-5.

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En tournée dans les quartiers à la fin de la journée, le Premier ministre s'est dit "satisfait" par "l'engagement de la population". "La satisfaction vient de cet engouement populaire et pas de ce qui a été ramassé, car le triple pourrait revenir dans la nuit" de l'étranger, a-t-il dit. Au PK-5, le Premier ministre a pris lui même les photos du butin ramassé, au son des youyous des mères de familles rassemblées à la mairie.

Pendant ce temps là, dans la rue, des démineurs français se préparaient à récupérer armes et munitions. Les armes collectées seront ensuite récupérées par les forces africaines de la Misca et françaises de Sangaris qui sont en charge du désarmement des groupes armés.

Depuis la prise de pouvoir de la rébellion Séléka en mars 2013, renversée en janvier 2014, la Centrafrique vit une crise sans précédent. Les exactions des deux camps, anti-Balaka et Séléka, contre les civils ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.

Avec AFP