
Le poète et critique littéraire britannique, Sir Michael Edwards est reçu jeudi à la Coupole. Élu au fauteuil de Jean Dutourd, il est le premier Britannique à devenir Immortel.
Officier de l'Empire britannique, Sir Michael Edwards est désormais "Knight Bachelor". Élu le 21 février 2013 au fauteuil 31 de l'écrivain français Jean Dutourd, l’auteur franco-britannique a été reçu en grande pompe jeudi sous la Coupole, en habit vert et épée de cérémonie au côté. "En m'ouvrant la porte de votre illustre Compagnie, vous accueillez en votre sein bien pire qu'un étranger : un Anglais", a-t-il plaisanté, sous les applaudissements, en débutant le traditionnel éloge de son prédécesseur.
"Le geste pourrait sembler imprudent à une époque où le vrai anglais universel, ainsi que la mondialisation d'un faux anglais rabougri et bizarrement accoutré, menacent la langue française que vous avez pour mission de sauvegarder", a-t-il poursuivi.
"C'est un séisme, une révolution, un Anglais à l'Académie!" a renchéri avec malice l'écrivain Frédéric Vitoux, lors du discours de réception de Sir Michael.
Poète, critique littéraire, traducteur et écrivain franco-britannique, Michael Edwards a écrit une grande partie de son oeuvre dans la langue de Molière. Ce spécialiste de Shakespeare, Racine et Rimbaud avait été candidat à trois reprises à l'Académie. En 2002, il a aussi été le premier Britannique élu au prestigieux Collège de France, où, par un juste retour des choses, il a fait entrer l'auteur de "Hamlet".
Michael Edwards rejoint notamment sous la Coupole le Franco-Libanais Amin Maalouf, le Franco-Belge François Weyergans, l'Algérienne d'expression française Assia Djebar ou le Canadien né en Haïti Dany Laferrière, élu fin 2013 à l'Académie. Aucune condition de nationalité ne figure dans les statuts.
Né à Barnes, près de Londres, le 29 avril 1938, d'une mère de lointaine ascendance normande et d'un père anglais, Michael Edwards a passé sa vie entre la France et l'Angleterre et bénéficie de la double nationalité. Ce gentleman parfaitement bilingue est également marié à une Française, docteur de l'université de Cambridge.
Sir Michael a déniché son épée de cérémonie datant du XIXe siècle chez un armurier. "Elle a été fabriquée rue de Richelieu, à Paris. On ne pouvait rêver mieux : l'Académie a été fondée en 1635 par Richelieu et c'est à la BNF, située dans cette rue, que j'avais terminé ma thèse sur Racine en arrivant à Paris", raconte-t-il. "J'y ai fait graver le nom de jeune fille de ma mère, forme anglicisée d'un nom normand, plusieurs devises, dont l'une, en français, du Christ College de Cambridge: 'Souvent me Souvient'".
"Certains Britanniques envient l'Académie française. Ils aimeraient avoir aussi une institution qui défende la langue anglaise, notamment contre les américanismes", assure-t-il. "Nous avons la British Academy et la Royal Society pour les scientifiques, mais ce sont des sociétés savantes pour universitaires avec de très nombreux membres. Nous sommes loin des 40 fauteuils de l'Académie", chargée de veiller au respect de la langue française et d'en composer le dictionnaire.
Michael Edwards a enseigné le français, l'anglais et la littérature comparée à l'Université de Warwick jusqu'en 2002 après une thèse sur Racine et quatre années passées en France (1961-1965). Il a occupé la chaire d'Étude de la création littéraire en langue anglaise au Collège de France jusqu'en 2008.
Michael Edwards utilise dans son oeuvre poétique le français et l'anglais, parfois les deux dans un même ouvrage, comme dans "Rivage mobile". Dans la revue Prospice, qu'il fonde en 1973, et dans le Times Literary Supplement, il s'est toujours efforcé de créer des passerelles entre poésies française et anglaise. Auteur de nombreux ouvrages, il a publié récemment "L'Étrangeté" (Gallimard, 2010), "Le Bonheur d'être ici" (Fayard, 2011) et, en 2012, "Le Rire de Molière" (de Fallois) et "Paris Aubaine" (Courlevour).
Avec AFP