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"Une victoire du FN affectera l’influence de la France"

Tous les sondages sont formels : le parti de Marine Le Pen arrivera en tête des élections européennes, dimanche, avec 23 % des intentions de vote. Les observateurs mettent en gardent contre le vote FN, qui ferait perdre à la France sa crédibilité.

La France va-t-elle connaître un 21 avril européen à l’issue des élections européennes, dimanche 25 mai ? À en croire plusieurs instituts de sondage, le Front national arriverait en tête du scrutin avec 23% ou 24% des intentions de vote. La formation d'extrême droite, qui a profité de la crise économique et de la hausse du chômage pour faire campagne en dénonçant une immigration "étouffante", pourrait ainsi confirmer sa montée en puissance sur le territoire français, après sa belle percée aux municipales de mars dernier. Le Front national deviendrait alors "le premier parti de France", comme ne cesse de le répéter sa présidente.

"Le vote FN est un vote perdu"

En tablant sur une victoire relative du parti de Marine Le Pen, les observateurs estiment que cette formation qui compte actuellement trois sièges au Parlement européen, pourrait en emporter une vingtaine à l’issue du scrutin de dimanche. "Dans cette perspective, la France perdra indéniablement de son poids en Europe", estime Hélène Miard-Delacroix, historienne et auteur du "Défi européen, de 1963 à nos jours".

"Le vote FN est un vote perdu", poursuit-elle car les eurodéputés FN sont connus pour être inactifs au Parlement européen. "Marine Le Pen n’a jamais siégé à Strasbourg, n’a jamais participé à aucune commission, explique Hélène Miard-Delacroix. Les députés FN veulent se faire élire dans une institution qu’ils ne reconnaissent pas. Ils n’occupent pas l’espace, ils veulent juste exister en vue des élections nationales". Selon elle, sur les 74 eurodéputés français, le pays n’en compterait donc plus que 54, soit autant de sièges que l’Espagne et bien moins que l’Allemagne, qui en compte 99.

Par ailleurs, sur les 751 sièges d'eurodéputés à Strasbourg, le rassemblement Bleu Marine ne représenterait que 2% des élus et disposera donc de peu de marge de manœuvre, poursuit Hélène Miard-Delacroix. "Sa seule option pour défendre ses idées ou bloquer les projets des autres partis, sera alors de se prêter au jeu des alliances", ajoute l’historienne.

Selon le site PollWatch, qui compile les sondages réalisés dans les 28 pays de l’UE, un quart des sièges devrait échoir aux formations europhobes ou protestataires d'extrême droite ou d'extrême gauche, soit le double de leur score de 2009. Les partis autrichiens du FPÖ, les belges du Vlaams Belang, les italiens de la Ligue du Nord et les lituaniens d’Ordre et justice ou encore le Parti national slovaque pourraient s’allier avec le Front National au sein d’un groupe.

"Le jeu des alliances sera difficile pour le FN"

"Mais le jeu des alliances n’est pas un exercice facile pour les formations nationalistes qui devront se trouver des enjeux communs pour pouvoir constituer un groupe", souligne Claire Demesmay, responsable du programme franco-allemand à l'Institut allemand de politique étrangère (DGAP) à Berlin. "Depuis plusieurs décennies, on constate que les alliances des partis nationalistes et souverainistes ne tiennent pas sur le long terme".

Il sera donc difficile pour les formations extrémistes de bloquer les initiatives des courants majoritaires au Parlement européen. "Surtout que la poussée des partis extrémistes va avoir tendance à inciter les partis établis, comme le PPE (Parti populaire européen, étiquetté à droite) et le PSE (Parti socialiste européen, à gauche) à former de grandes coalitions et à travailler davantage ensemble", poursuit Claire Demesmay.

Quelle que soit l’implication des eurodéputés extrémistes au Parlement, la France a de toute façon beaucoup à perdre en cas de victoire du FN, notamment pour son image, estiment Claire Demesmay et Hélène Miard-Delcaroix. Le positionnement du second pilier européen risque d’être ébranlé. "La France sera perçue comme un pays frileux qui se replie sur lui-même, qui n’est plus moteur au cœur du projet européen et qui n’est plus capable d’impulser de nouvelles idées", indique Claire Desmesay. "Le pays aura plus de difficultés à convaincre d’autres pays membres et à mobiliser car elle aura l’image d’un pays fragile qui se replie sur lui-même". Et de conclure : "Plus que son influence, c’est donc aussi sa crédibilité qui est en jeu".