Le collectif algérien Barakat, opposé à la réélection d’Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Algérie, a déposé mardi un recours devant le Conseil constitutionnel pour entamer une procédure de destitution.
Décidemment, la réélection d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat à la tête de l'Algérie n’en finit pas de faire couler de l’encre. Barakat ("Ça suffit", en arabe), un mouvement de la classe moyenne né au lendemain de l’annonce de la candidature du président sortant à l’élection présidentielle, a déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel pour demander que soit entamée une procédure de destitution du président algérien. Faute d’avoir obtenu un rendez-vous avec les membres du Conseil constitutionnel, malgré les demandes insistantes de la délégation, un courrier leur a été envoyé par la poste.
"Nous demandons l’application de l’article 88 [de la Constitution]", a annoncé à l’AFP Amira Bouraoui, l’une des membres de Barakat. "Lorsque le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit et, après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous les moyens appropriés, propose, à l’unanimité, au Parlement de déclarer l’état d’empêchement", stipule le texte.
Bouteflika aux abonnés absents
L’article 88 pourrait vraisemblablement s’appliquer au cas d’Abdelaziz Bouteflika. Jusqu’au 17 avril dernier, jour de la présidentielle algérienne où il s’est déplacé en fauteuil roulant pour aller voter, le chef d’État, âgé de 77 ans, n’était pas apparu en public depuis son discours à Sétif en mai 2012. Victime d’un accident vasculaire cérébral en avril 2013, il est resté hospitalisé plusieurs mois au Val-de-Grâce, en France. Depuis, le président algérien n’a pas inondé de sa présence les écrans algériens, même pendant la campagne présidentielle, qui a été menée par le Premier ministre Abdelmalek Sellal, reconduit à son poste après le scrutin. Le 4 mars dernier, la télévision nationale a diffusé une vidéo de quelques minutes d’Abdelaziz Bouteflika lors de la signature officielle de sa candidature. Il y apparaissait extrêmement affaibli, prononçant quelques mots inaudibles, les gestes lents, ravivant les incertitudes sur ses capacités à gouverner.
Les doutes ont atteint leur paroxysme mardi 29 avril, lors de sa prestation de serment au Palais des nations, à Alger. Abdelaziz Bouteflika, en fauteuil roulant, la main sur le Coran, a répété d’une voix faible quelques dizaines de phrases et n’a pas pu terminer son allocution, dont une copie a été distribuée aux journalistes présents dans la salle. "Il n’a lu que le préambule de son discours", révèle le journal "Liberté".
"Exercice pénible"
Le quotidien "El Watan" n’a pas ménagé ses critiques, dans un éditorial publié le 29 avril, titré "Bouteflika recalé à l’oral" : "Ce qui était voulu par l’entourage de Bouteflika comme un moment solennel […] s’est transformé en un exercice pénible pour les invités, nationaux et représentants du corps diplomatique présents. […] Les Algériens, qui ont suivi à la télévision ce moment tragicomique, avaient mal pour l’Algérie en voyant ces images peu rassurantes sur l’état de santé de Bouteflika, qui présidera aux destinées du pays pendant les cinq prochaines années."
Le collectif Barakat, en première ligne dans la contestation d’un quatrième mandat du chef de l’État algérien, n’entend pas laisser gouverner cet homme malade sans réagir. "Nous ne laisserons pas Abdelaziz Bouteflika s’installer ainsi sans militer contre cette dictature et ce régime autoritaire et corrompu, poursuit Amira Bouraoui au micro de RFI. […] Ceux qui pensent que Bouteflika est un gage de stabilité se trompent".