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Le Président François Hollande a rencontré, ce lundi, tous les acteurs du dossier Alstom, alors qu’une partie du groupe est convoitée par General Electric et Siemens. Mais que peut faire l’État qui n’est plus actionnaire du groupe français ?
Sauver le soldat Alstom des griffes américaines. C’est l’impression que donne la débauche d’énergie déployée depuis quelques jours au sommet de l’État pour s'immiscer dans le dossier de l’éventuelle reprise du fleuron de l’industrie française par General Electric (GE) pour 13 milliards de dollars. Le président François Hollande a rencontré, ce lundi 28 avril, tous les acteurs de cette affaire : les PDG de Bouygues - le principal actionnaire d’Alstom -, de GE et de Siemens, également intéressés par les activités dans le secteur de l’énergie du groupe français.
L’enjeu dépasse la simple question du drapeau, français, américain ou européen, qui flottera au sommet d’Alstom. Le groupe est “un symbole de l’ingéniosité française”, avait résumé Arnaud Montebourg, ministre de l’Économie, vendredi 25 avril. Le géant français dispose, en effet, d’un savoir faire technologique dans des secteurs
Siemens devrait confirmer mardi son offre pour une reprise partielle d'Alstom, a indiqué lundi une source proche du dossier, à l'issue de l'entretien du PDG du groupe allemand Joe Kaeser avec le président François Hollande à l'Élysée.
De son côté, l'État estime qu'Alstom doit disposer du temps nécessaire pour examiner toutes les offres, a-t-on ajouté de même source, alors que l'américain General Electric a déposé une offre concurrente.
Avec AFP
stratégiques - comme le transport (TGV) et l’énergie (construction de centrales clef en main).
Si les objectifs sont clairs, des doutes sérieux persistent sur la capacité du gouvernement à influer sur la décision d’Alstom, attendue mercredi 30 avril.
Opération de com’ ?
“D’un point de vue purement financier, le gouvernement n’a pas son mot à dire dans cette négociation”, rappelle Pascal de Lima, économiste en chef pour le cabinet d’études EcoCell. Alstom est, en effet, à capitaux entièrement privés depuis le désengagement de l’État en 2006 qui n’a donc, en théorie, pas voix au chapitre sur les décisions stratégiques du groupe.
Certes, la puissance publique a une influence indirecte car des entreprises semi-publiques sont d’importants clients d’Alstom. “Mais qu’Alstom soit vendu ou non à GE ne changera rien au fait qu’EDF aura toujours besoin de centrales ou que la SNCF devra continuer à acheter des trains”, remarque Marc Ivaldi, expert en économie industrielle à la Toulouse School of Economics.
Les déclarations d’Arnaud Montebourg ou les multiples réunions de François Hollande dans ce dossier apparaissent avant tout comme des opérations de communication. “C’est une manière de faire savoir que l’État compte garder un œil et ne reste pas inactif sur les grands dossiers de politique industrielle”, estime Pascal de Lima.
Mais il ne s'agit pas seulement de l'image médiatique. L’État français espère aussi jouer la carte Siemens. L’éventuelle reprise des activités énergie d’Alstom par le groupe allemand plairait davantage au gouvernement qu’une cession à General Electric. Ce scénario permettrait l’émergence d’un géant européen de l’énergie. Un dénouement plus attrayant pour les autorités que la prise de contrôle par un groupe américain. Berlin a, également, assuré voir d’un bon œil un tel accord.
L’option de la nationalisation partielle
Plaider pour un rapprochement entre Siemens et Alstom serait notamment le but de la rencontre, lundi, entre François Hollande et les responsables de Bouygues, d’après Marc Ivaldi. L’opérateur télécom cherche à vendre ses parts de la société Alstom (29 % du capital), ce qui intéresserait General Electric, contrairement à Siemens.
Mais de l’avis des économistes, l’option Siemens pose un problème de concurrence. L’offre de l’Allemand prévoit une sorte d’échange : cèder sa branche ferroviaire à Alstom contre les activités dans l’énergie du Français. Un accord qui propulserait les deux acteurs dans des situations de position dominante sur le Vieux Continent, ce qui déplairait à la Commission européenne.
Même si Alstom penche plus pour l’offre de General Electric, l’intervention de Paris peut permettre d’arrondir les angles sociaux. “Les groupes industriels ne veulent pas se mettre à dos les dirigeants politiques”, assure Marc Ivaldi. L’activisme du gouvernement pourrait, au moins, amener GE à “mettre les formes”, estime l’économiste de la Toulouse School of Economics. Jeff Immelt, PDG de General Electric, a d’ailleurs assuré vouloir “coopérer” avec l’État français, à l’issue de sa rencontre avec François Hollande. L’Américain pourrait ainsi prendre des engagements en termes d’investissements en France et de sauvegarde des emplois.
Néanmoins, l’arme de la nationalisation partielle demeure toujours. Pour l’heure, Arnaud Montebourg a indiqué qu’il était “prématuré d’évoquer cette question”. Prématuré mais pas exclu. L’entrée au capital passerait probablement par un rachat des parts de Bouygues par l’État. “C’est une option coûteuse, mais possible”, juge Pascal de Lima. Mais il estime, tout comme Marc Ivaldi, que là encore Bruxelles risquerait de faire la moue. Cette mesure serait considérée comme une aide directe de l’État et nécessiterait un accord de la Commission européenne, qui risque de s’y opposer.