Les élections législatives indiennes pourraient porter au pouvoir Narendra Modi, dirigeant controversé du parti nationaliste hindou. Les envoyés spéciaux de FRANCE 24 se sont rendus dans son fief, l’État du Gujarat. Reportage.
Les élections législatives indiennes, plus grand scrutin jamais organisé dans le monde, ont débuté cette semaine. Sachant que près de 815 millions d’électeurs sont appelés à glisser leur bulletin dans l’urne, l’annonce officielle des résultats n’aura lieu que le 28 mai.
Et d’après les sondeurs locaux, le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP) est le grand favori des élections. En cas de victoire, son chef Narendra Modi, qui a axé sa campagne sur sa capacité à gouverner l'Inde et sur la relance de l'économie, deviendra le prochain Premier ministre du pays.
>> À lire aussi sur FRANCE 24: En chiffres : L'Inde, théâtre d'élections législatives hors normes
Chef de l'exécutif de l’État du Gujarat depuis 2001, son bilan économique est loué par les observateurs. En continuelle transformation, la région est en effet devenue l'un des principaux moteurs de la croissance indienne et constitue le meilleur argument de campagne de Narendra Modi.
Légende vivante aux yeux de ses partisans
Dans son fief, sa popularité est telle que nul n'en doute : l'enfant du pays sera bientôt Premier ministre de l'Inde. "On en est sûr à 100 % ! C'est le meilleur, il saura diriger ce pays comme personne, comme aucun des autres candidats", explique un partisan de "Modi" à FRANCE 24.
La longue ascension de Narendra Modi a commencé il y a 63 ans à Vadnagar, une petite ville rurale au nord du Gujarat, où l'homme politique est désormais une légende vivante. "Après l'école, il venait travailler dans la petite boutique de thé de son père, raconte M. Mehta, un représentant local du BJP. Modi sait ce qu'est une vie de privations, il comprend la pauvreté. Ce qu'il veut, c'est que personne ne s'endorme l'estomac vide. Regardez le parti au pouvoir ! Qui le dirige ? Le prince Rahul Gandhi [parti du Congrès, au pouvoir, NDLR], lui ne peut pas comprendre ce que signifie la pauvreté".
Jeune homme, "Modi" s'est enrôlé dans les RSS, l'organisation extrémiste des jeunes nationalistes hindous. Un groupe paramilitaire, dont est issu son parti politique, régulièrement accusé de violences contre la minorité musulmane comme à Ahmedabad, la grande ville du Gujarat.
Une personalité qui divise
En 2002, des émeutes intercommunautaires avaient couté la vie à près de 2 000 personnes, essentiellement des musulmans. À l’époque, "Modi" est le chef du gouvernement régional. La communauté internationale avait dénoncé sa passivité, mais il n'a pas été mis en cause par la justice. Depuis, les Indiens sont divis és sur sa personnalité .
À Ahmedabad, personne n'a oublié le massacre : Shaqueela a perdu huit membres de sa famille, tués sous ses yeux. "Cet endroit me rappelle toute la famille que j'ai perdue. C'est ici que nos enfants, des innocents, ont été brûlés vifs, confie-t-elle à FRANCE 24. Mes frères, ma mère ont tous été tués ici. C'est là aussi qu'ils ont jeté un bébé de deux mois dans les flammes".
La tante de Shaqeela estime de son côté qu’un gouvernement digne de ce nom n'est pas censé faire la différence entre les hindous et les musulmans. "Modi a fait du bon boulot au Gujarat ? Qu'est ce qu'il a fait ? Une superbe ville, des ponts, des routes, des voitures, dit-elle Ça, c'est ce que tout le monde voit. Et nous ? Quelles sont les réelles actions qu'il a prises ? Les émeutes de 2002 ? Chaque homme, chaque femme, chaque enfant n'oubliera jamais ce qu'il s'est passé".
Shaqueela et toutes les femmes musulmanes du quartier n'ont jamais reçu de compensation. Aujourd'hui, elles ont le sentiment d'être les oubliées du Gujarat. Au delà de l'apparente réussite économique, les indicateurs de développement humain sur l'éducation ou la santé placent le Gujarat dans le bas de la liste des États Indiens. Pour les musulmans et les autres laissés pour compte, la question se pose : Narendra Modi parviendra-t-il à être le Premier ministre de tous les Indiens ?
Tags: Inde, Élections législatives,