La cour d’appel de Paris rendra son avis sur la demande d’extradition concernant Mario Alfredo Sandoval, déposée par la justice argentine, le 28 mai. L’homme est suspecté d’avoir commis des actes de torture pendant la dictature militaire argentine.
L’Argentine réclame son extradition depuis deux ans. Mario Alfredo Sandoval, un Franco-Argentin de 61 ans, est accusé par le juge argentin Sergio Torres de "tortures, tortures suivies de mort, privation illégale de liberté aggravée", des accusations qu’il nie. Entre 1976 et 1979, en pleine dictature militaire, l’homme était policier à l’Esma (l’école de mécanique de la marine), le plus grand centre d’interrogatoire et de détention de ce régime. Depuis les années 1980, il réside en France.
La cour d’appel de Paris s'est penchée, mercredi 9 avril, sur l’extradition de cet homme, naturalisé français en 1994. Elle ne rendra son avis que le 28 mai. S'il était positif, il reviendrait à Matignon de prendre un décret d'extradition, susceptible de recours devant le conseil d'État.
Selon l’accusation argentine, Mario Alfredo Sandoval était spécialisé dans la "lutte contre les éléments subversifs". Membre de la Police fédérale, il faisait partie de "groupes de tâches" en charge de traquer, enlever, torturer et parfois faire disparaître les opposants au régime. Il a notamment été désigné comme l’un des auteurs de l’enlèvement et la disparition en octobre 1976 de Hernan Abriata, un étudiant, militant des Jeunesses universitaire péronistes. Mercredi, pour le ministère public, l'avocat général Jean-Charles Lecompte s'est dit favorable à l'extradition de l'ancien policier précisément pour le cas de l'enlèvement d'Hernan Abriata, en évoquant des "témoignages précis". Toutefois, il s'est dit opposé à une extradition pour les autres crimes reprochés par la justice argentine.
Après la chute du régime, en 1983, l’homme s’est exilé en France, où il s’est spécialisé dans le domaine de l’intelligence économique. Il a ainsi donné des cours à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (IHEAL), et collaboré avec les universités de la Sorbonne Nouvelle et de Marne-la-Vallée.
Mandat d’arrêt
Le juge Sergio Torres, en charge de plusieurs dossiers concernant la dictature militaire, a émis un mandat d’arrêt international contre lui le 15 mai 2012. Selon "Pagina 12", réputé pour ses enquêtes sur la période de la dictature, l’homme serait impliqué dans la disparition de 400 personnes, dont celles des deux religieuses françaises Alice Domon et Léonie Duquet (le corps de cette dernière a été retrouvé en 1977). En octobre dernier, lors d’une première audience devant la chambre d’instruction du tribunal d’appel de Paris, un représentant de l'ambassade d'Argentine à Paris était venu dire à la cour que "602 faits imputés" à Mario Alfredo Sandoval avaient été dénombrés, dont "349 disparitions, 236 séquestrations" et "17 décès du fait du commando dont Sandoval faisait partie".
L’accusé nie farouchement les faits qui lui sont reprochés et dénonce "une chasse à l'homme". En 2008, alors que plusieurs articles de presse faisaient état de son passé sulfureux en citant un rapport de la Conadep (Commission nationale sur les disparitions), il avait attaqué les publications en diffamation (il a été débouté), affirmant qu’il était, selon lui, victime d’une méprise. Selon lui, le Mario Alfredo Sandoval mentionné par la Conadep n’était pas lui-même, mais un homonyme.
"Aucun doute"
Les arguments de l’accusé font presque fait sourire Marcelo Nowersztern, un franco-argentin membre de la Calpa, la Coordination de soutien aux luttes du peuple argentin : "Nous travaillons sur lui depuis des années, en contact avec les survivants, les victimes. Nous avons des photos, des témoignages, en Argentine et en France, nous avons enquêté minutieusement. On le connaît très bien. Je n’ai aucun doute sur lui".
En France, les associations et les ONG de défense des droits de l’Homme ont multiplié les pétitions et les appels pour qu'il puisse être jugé en Argentine. Verdict le 28 mai.