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En quête de souveraineté, la Grèce réinvestit les marchés financiers

Athènes a annoncé, mercredi, son retour sur les marchés obligataires après quatre ans d’absence et compte emprunter 2,5 milliards d’euros. Une manière de s’émanciper de la tutelle de la Troïka à quelques semaines des élections européennes.

Tout un symbole. Athènes a annoncé, mercredi 9 avril, son “retour imminent” sur le marché obligataire, en pleine grève générale des secteurs public et privé. La Grèce, sous perfusion financière internationale depuis quatre ans, tentera de lever 2,5 milliards d’euros en cinq ans et ainsi s'émanciper de l'aide européenne.

En cas de succès, le pays à l’origine de la crise des dettes souveraines en Europe retrouverait une certaine normalité financière. C'est-à-dire qu'il pourra, comme les autres, se tourner vers les marchés pour se financer. Athènes vivait depuis quatre ans grâce à 240 milliards d'euros de prêts octroyés par la Troïka (Banque centrale européenne, Fonds monétaire international et Union européenne) pour éviter la faillite.

Il est le dernier des trois "grands" États ayant eu besoin d'une aide internationale à retourner sur les marchés : l’Irlande et le Portugal l'ont déjà fait. Pour y parvenir, “la République hellénique annonce aujourd'hui qu'elle a mandaté des banques internationales", a ainsi précisé le ministère des Finances dans un communiqué. “Cela ne représente pas grand chose de lever 2,5 milliards d’euros en cinq ans et même un pays comme la Grèce ne devrait pas avoir trop de mal à y arriver”, estime Céline Antonin, économiste et spécialiste de la Grèce à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Reste que la décision grecque étonne cette spécialiste. “Le taux d’intérêt - environ 6 % - reste très élevé et l’aide internationale fournie, dont le taux est de seulement 3 %, n’est pas encore tari”, rappelle Céline Antonin. Athènes décide donc délibérément de se tourner vers des investisseurs privés qui lui demanderont en retour plus d’argent que la Troïka.

D’une pierre, deux coups

Un choix apparemment étrange qui peut s’expliquer par le désir de faire passer un message à la population grecque. “L’aide de la Troïka est assortie d’obligations de reformes et en préférant lever de l’argent sur les marchés, Athènes regagne un peu d’autonomie par rapport à Bruxelles, ce qui peut redonner de l’espoir aux Grecs”, juge Céline Antonin. Le fait qu’Athènes décide, ainsi, de récupérer un peu de souveraineté économique à quelques semaines des élections européennes n’est “probablement pas une coïncidence”, souligne l’économiste.

Athènes fait même d’une pierre, deux coups. Il était, en effet, question depuis plusieurs semaines d’un éventuel troisième plan d’aide à la Grèce. “Mais l’idée d’un nouveau soutien financier a commencé à crisper pas mal de monde en Europe, et Athènes s’est dit que pour calmer les esprits, il était préférable de se débrouiller seul”, juge Céline Antonin.

La levée d’argent auprès des investisseurs privés doit donc remonter le moral des Grecs et calmer les inquiétudes des Européens. Mais le pays n’est pas pour autant tiré d’affaires. L’endettement grec s'élève, en effet, à 170 % du PIB, ce qui signifie “que le pays va très probablement faire encore défaut sur une partie de ses dettes”, d’après Céline Antonin. En outre, le pays n’a pas encore retrouvé le chemin d’une croissance forte après six ans de récession. Les prévisions les plus optimistes tablent, pour 2014, sur une croissance de 0,4 %, ce qui est loin d’être suffisant pour réduire l’endettement public.