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L'Humanité, Mediapart et la Ligue des droits de l'Homme ont lancé sur leur site, mercredi 26 mars, un nouvel appel pour réclamer la vérité sur la disparition de Maurice Audin à Alger en 1957, en pleine guerre d'Algérie.

L’appel a été lancé sur les sites de la Ligue des droits de l’Homme, de l’Humanité et de Mediapart. Un plaidoyer a été publié, mercredi 26 mars, pour que la lumière soit faite sur l’assassinat de Maurice Audin, jeune professeur de mathématiques communiste mort pendant la guerre d’Algérie.

"Dans le prolongement de l’Appel des douze, publié le 31 octobre 2000 par l’Humanité, et des efforts incessants de Josette Audin pour apprendre la vérité, dont témoigne encore la lettre qu’elle a envoyée le 24 février dernier au président de la République, à laquelle à ce jour elle n’a pas reçu de réponse, nous demandons que les plus hautes autorités reconnaissent le crime d’État qu’a été l’assassinat de Maurice Audin, ainsi que la pratique de la torture et les violations massives des droits de l’homme commises par l’armée française durant la guerre d’Algérie".

"Les autorités françaises doivent solliciter officiellement les autorités algériennes pour qu’elles ouvrent les fosses communes afin de retrouver le corps de Maurice Audin, enterré avec ceux de centaines d’Algériens torturés et tués aussi par l’armée française", exige encore l’appel, signé par la veuve du militant communiste, Josette Audin, des anciens appelés d’Algérie, des historiens et des personnalités politiques et culturelles.

La thèse officielle : l’évasion

L’affaire Maurice Audin alimente la chronique historico-politique depuis près de 57 ans. En 1957, la guerre d’Algérie, que les autorités françaises s’évertuent à appeler "les évènements", s’est intensifiée. L’armée française est alors engagée dans la terrible bataille d’Alger qui l’oppose aux indépendantistes du Front de libération nationale (FLN).

Le 11 juin 1957, Maurice Audin, membre du parti communiste algérien (PCA), est arrêté à Alger par les parachutistes sous les ordres du général Massu. Il est soupçonné d’avoir hébergé des membres actifs du PCA. Le jeune homme de 25 ans ne donnera dès lors plus aucun signe de vie. Sa femme Josette remue ciel et terre pour savoir ce qu’il est advenu de son mari. La "grande muette" (l'armée, NDLR) finit par lui donner une version des faits que les autorités militaires ne démentiront jamais : Maurice Audin s’est évadé lors de son transfèrement vers un centre de détention. Une thèse à laquelle sa femme ne croit pas. Elle dépose plainte pour homicide volontaire.

"Plus de cinquante ans après, on ne connaît toujours pas la vérité sur sa disparition, poursuit l’appel publié ce mercredi. Les révélations publiées par le "Nouvel Observateur", en 2012, sous la plume de Nathalie Funès, et les propos tenus par le général Aussaresses, en 2013, peu avant sa mort, font que les autorités françaises ne peuvent continuer à se taire".

Les révélations d’Aussaresses

En décembre 2012, après avoir reçu une lettre de Josette Audin, le président français François Hollande avait promis d’ouvrir les archives concernant l’affaire et de lui en fournir tous les documents. Trois mois plus tard, la veuve du mathématicien disparu avait reçu une lettre. Mais, estime l’appel, "les documents dont le ministre de la Défense a remis copie à Josette Audin, le 1er février 2013, ne contiennent aucun élément essentiel".

En janvier 2014, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian avait à son tour promis que "le gouvernement ferait tout ce qui est en son pouvoir pour contribuer à l’établissement de la vérité". Une promesse qui tarde à se concrétiser. Signe que près de six décennies plus tard, l’affaire embarrasse toujours les plus hautes sphères de l’État. Et pour cause : dans un livre paru en janvier dernier, "La Vérité sur la mort de Maurice Audin", le journaliste Jean-Charles Deniau affirme, après avoir entendu les confidences du général Aussaresses avant sa mort, que Maurice Audin a été exécuté avec "la couverture pleine et entière du pouvoir politique".