
Les élections municipales pour les nuls : tout ce qu’il faut savoir pour briller en société et faire des analyses politiques les dimanches 23 et 30 mars.
La France compte 36 681 communes concernées par ces élections (un record européen), dont les trois-quarts (26 930) ont moins de 1 000 habitants. Dans 61 petites communes, et une de plus de 1 000 habitants, il n’y a aucun candidat déclaré. S’il ne s’en déclare aucun d’ici le second tour, elles seront administrées par une commission préfectorale qui pourra décider de les fusionner avec une autre. Il y a près d’un million de candidats (926 068 exactement), Français ou ressortissants de l’Union européenne. Ces derniers ne peuvent toutefois prétendre ni au mandat de maire ni à celui d’adjoint. Sont électeurs les citoyens français ou européens résidant en France depuis au moins 6 mois. Le scrutin est à la proportionnelle avec prime majoritaire. Cette dernière assure la majorité à la liste arrivée en tête, même avec une majorité relative au second tour. Voici les 7 choses à observer lors du premier tour
• Abstention, un nouveau record ?
Le taux de participation est traditionnellement élevé lors des élections municipales, mais l’abstention ne cesse de progresser depuis 25 ans. Le premier tour de 2008 affichait un niveau record à 35,5 %. Ce record sera-t-il à nouveau battu ?
• Un vote sanction contre la gauche ?
Les cotes de popularité de l’exécutif étant à un plancher historique, cela se traduira-t-il par un vote sanction dans des élections locales, où l’implantation et la qualité de la gestion des maires sont des facteurs importants dans la décision de l’électeur ? L’opposition, UMP et ses alliés (UDI et parfois Modem), saura-t-elle en profiter ? Ce n’est pas tant le score national réalisé par les partis qui importera, ni même le rapport gauche/droite certainement très favorable à cette dernière, mais leur capacité à conserver les municipalités qu’ils gèrent, voire à en conquérir de nouvelles. Des facteurs tels que l’âge, l’usure de l’édile, ou au contraire sa popularité et les divisions parmi ses adversaires seront déterminants. Dans un premier temps, on observera de près un certain nombre de villes arrachées par la gauche en 2008, comme Strasbourg, Toulouse, Amiens, Reims ou Saint-Étienne, qui peuvent rebasculer à droite. Parmi les villes de gauche, Angers est une des meilleures chances de gain pour la droite, dans une région catholique qui s’est illustrée lors des manifestations contre le "mariage pour tous".
• Le FN trouble-fête ?
Une partie de la réponse réside dans le score que réaliseront les listes du Front national (FN), ou, plus exactement, le nombre de villes dans lesquelles elles seront en mesure de se maintenir au second tour. Pour cela il faut atteindre la barre des 10 % des suffrages exprimés, seuil souvent tout à fait à sa portée. Dans ces cas-là, le maintien du candidat FN (on parle de "triangulaire") peut priver la droite (ou la gauche, mais plus souvent la droite) de victoire, puisqu’au second tour une majorité relative assure la majorité des sièges de conseillers municipaux et donc l’assurance de faire élire son candidat au poste de maire. C’est la raison pour laquelle même avec un score probablement très favorable aux droites au niveau national, la gauche peut se sortir très honorablement de ces élections, une fois ces résultats convertis en nombre de villes gagnées et/ou conservées.
• Combien de villes le FN peut-il gagner ?
En 1995, le FN avait gagné 3 villes dont une, Toulon, de plus de 100 000 habitants. Depuis elles ont toutes été perdues, à l’exception d’Orange, dont le député-maire, Jacques Bompard, a quitté le parti et se représente sous l’étiquette "Ligue du Sud". En dehors de ce précédent retentissant, les municipales ne sourient pas beaucoup au FN. Son score national pâtit, en effet, de ses difficultés à présenter des candidats. Néanmoins, sous l’effet de la dynamique "rassembleuse" de la présidente du parti, Marine Le Pen, le nombre de candidats FN n’a jamais été aussi élevé. Même si certains ont été présentés contre leur gré voire sont décédés.
Toutefois, selon l’enquête de francetv info, sur les 78 villes de plus de 1 000 habitants où Marine Le Pen a obtenu plus de 30 % à l’élection présidentielle, le FN n’a pu présenter de listes que dans 41 d’entre elles. Mais, là encore, c’est le nombre de villes que le FN sera capable de conquérir qui sera particulièrement scruté. Dans un premier temps, on s’attachera donc à recenser les villes où il arrive en tête. Ce sont en général des villes moyennes comme Hénin-Beaumont, Forbach (ou se présentent Steve Briois et Florian Philippot, deux proches de Marine Le Pen), Brignoles, ville communiste où le FN vient de remporter une élection cantonale, Béziers, avec un enfant du pays, le très médiatique Robert Ménard, ancien président de Reporters sans frontières, ou bien encore Carpentras. Si le candidat FN arrive en tête, la question du « front républicain » se reposera pour la gauche comme pour la droite parlementaire. C’est à dire l’éventuel retrait de la liste arrivée troisième, avec ou sans consigne de vote, « pour faire barrage à l’extrême droite ». Si le FN, parti protestataire par excellence, arrive en deuxième position, le maintien du troisième est au contraire le meilleur moyen pour qu’il ne gagne pas.
• Symboliquement aussi que se passera-t-il dans les trois "très grandes" (Paris, Lyon et Marseille) ?
Le statu quo est le scénario le plus probable, Paris et Lyon étant conservés par la gauche, Marseille par la droite. Le candidat PS Patrick Mennucci a des ambitions sur Marseille, dont le maire Jean-Claude Gaudin se présente pour la 4ème fois, à 74 ans. La conquête de la cité phocéenne par le PS serait évidemment un coup de tonnerre qui escamoterait de moins bons résultats au niveau national. C’est aussi à Marseille que se présente, sous l’étiquette Divers Gauche, l’une des figures emblématiques de la "diversité" : Pape Diouf, ancien président de l’Olympique de Marseille. Né au Tchad de parents sénégalais, il est un symbole de l’intégration et de la réussite républicaine. À Lyon, le maire socialiste Gérard Collomb semble intouchable.
• Le cas spécifique de Paris
Il y aura de toute façon, après ces élections, un nouveau maire de Paris et pour la première fois, ce sera une femme : Anne Hidalgo, candidate socialiste avec le soutien du Parti communiste et premier adjoint du maire sortant, Bertrand Delanoë, ou Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM), candidate UMP avec le soutient de l’UDI et du Modem et ancienne ministre de l’Environnement de Nicolas Sarkozy. Cette élection dans la capitale retient donc encore plus l’attention que d’habitude au-delà de nos frontières, même si le suspens est faible. L’ouest de la capitale continuera de voter à droite et l’est à gauche. Compte tenu du mode de scrutin par arrondissement, ce n’est pas le résultat sur l’ensemble de la ville qui doit être observé mais celui de quelques secteurs du "cœur" qui peuvent faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre : le 12e et le 9e arrondissement, dans une moindre mesure le 14e. Ces arrondissements "bobos" détenus par la gauche ont été conquis par Bertrand Delanoë en 2001 et lui ont donné la victoire. Si NKM veut espérer devenir maire de Paris, cela passe par la victoire dans au moins un de ces trois arrondissements.
Le 14e semble acquis à la gauche, mais c’est celui où NKM a décidé de se présenter. Et pour cette raison, le succès de son entreprise, sur un plan personnel, sera lié au score qu’elle y réalisera.
Mais la droite risque de perdre d’autres arrondissements, comme le 5e, où elle est divisée. Le maire sortant du 5e, Jean Tibéri (UMP), condamné par la justice, ne se représente pas, mais son fils Dominique, jouissant d’une bonne assise locale mais n’ayant pas obtenu l’investiture UMP, conduit une liste dissidente qui devrait être en mesure de se maintenir au deuxième tour.
Enfin, Anne Hidalgo se présente dans un arrondissement solidement tenu par la droite, le 15e, qui est aussi le plus grand de Paris. Une victoire de la gauche dans ce secteur aurait, pour elle, valeur de triomphe.
• Les affaires, quel impact ?
Selon de nombreux sondages, dont celui-ci, les différentes affaires politico-judiciaires devraient avoir peu d’influence sur les électeurs. Il y a aussi les cas des maires sortants qui ont fait l’objet d’enquêtes voire même de condamnations. Parmi eux, l’une des élections les plus suivies sera certainement celle de Levallois-Perret, dans la petite couronne parisienne, où se représente l’inoxydable Patrick Balkany, un intime de Nicolas Sarkozy, déjà condamné pour prise illégale d’intérêts et sur lequel pèsent deux nouvelles enquêtes judiciaires.