La ministre du Logement, Christine Boutin, envisage de recourir à l'hébergement obligatoire des SDF en cas de grand froid -si la température descend sous les -6°C, un seuil restant à affiner. Cette proposition suscite un tollé des associations.
Après la mort de quatre SDF en un mois en région parisienne, le gouvernement envisage de recourir à l'hébergement obligatoire des sans-abri, proposition qui a suscité un tollé chez les associations s'employant depuis des années à tenter d'amortir la crise du logement.
La ministre du Logement Christine Boutin a annoncé le lancement d'une réflexion sur l'opportunité de rendre obligatoire la mise à l'abri des SDF quand la température descend sous -6 degrés, avant d'indiquer sur France Info que ce seuil restait à affiner.
Le président Nicolas Sarkozy a estimé en Conseil des ministres que le gouvernement a "le devoir et la responsabilité" de "ne pas laisser mourir" les SDF de froid, selon des propos rapportés par Luc Chatel, porte-parole du gouvernement.
L'hébergement forcé "serait une grave régression", a immédiatement jugé Xavier Emmanuelli, fondateur du Samu social, évoquant "le délit de vagabondage" en vigueur jusqu'en 1994.
"Elle n'y arrivera pas, dit-il, elle n'a de toute façon pas les moyens légaux de porter ainsi atteinte aux droits de la personne".
Pour lui, "l'exclusion, ce n'est pas une question d'hiver: elle est là pour longtemps, c'est structurel".
Les associations rappellent inlassablement la promesse du candidat Sarkozy, le 18 décembre 2006. "D'ici deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d'y mourir de froid", avait-il dit.
"Nous sommes furieux", a déclaré Patrick Doutreligne, secrétaire général de la Fondation Abbé Pierre. "Quelques jours à peine après le jugement contre le Dal et les Enfants de Don Quichotte qu'elle a approuvé, Mme Boutin sort cette idée bête. Une idée qui n'a de réalité que parce que la société a peur d'être accusée de laisser ses pauvres mourir de froid....".
"En Allemagne, où la police embarque de force les SDF, les autorités se sont donné les moyens d'avoir des places d'hébergement dignes, des chambres individuelles. Ici, on prend les choses à l'envers!", a-t-il estimé.
Mme Boutin a fait valoir qu'aucune des 66 personnes installées durablement dans le bois de Vincennes "vues personnellement cette nuit" n'avait accepté de venir dans un centre d'hébergement. Selon elle, il restait 40 places libres en hébergement d'urgence, le week-end dernier dans le XIIe arrondissement, limitrophe du Bois.
Jean-Baptiste Legrand, président des Enfants de Don Quichotte, a exprimé son "ras-le-bol": "Chaque année, on pose cette même question de la mise à l'abri. Catherine Vautrin (ministre déléguée à la Cohésion sociale à l'époque, NDLR) la posait déjà il y a deux ans sur le canal Saint-Martin... C'est compliqué de comprendre pourquoi les gens ne veulent pas aller dans les gymnases? Allez au centre Yves Garrel, dans le XIe, vous comprendrez...".
La Ville de Paris a annoncé, après la "mission Bois de Vincennes", une "mission Bois de Boulogne" pour convaincre les sans-abri d'accepter un hébergement.
Deux cent soixante-cinq sans-abri sont morts dans la rue cette année, a annoncé Didier Cusserne, délégué général de l'association Emmaüs. Face "au manque de places" d'hébergement d'urgence, il a plaidé pour la réquisition. "Ce serait le marquage d'une volonté politique", a-t-il dit, estimant qu'il "ne faut pas qu'il y ait des bâtiments vides autour du bois de Vincennes quand des sans-abri y meurent".
Un hommage a été rendu mercredi soir à la fontaine des Innocents, au centre de Paris, aux 150 morts "de la rue" tombés au cours des six derniers mois.