Le philosophe Bernard Henri-Lévy, qui a accompagné Petro Porochenko et Vitali Klitschko vendredi à l’Élysée, a organisé, dans la soirée, un colloque public avec les deux favoris à la présidentielle ukrainienne. Reportage.
Hymne national ukrainien et chants traditionnels ont résonné dans dans le quartier parisien de Saint-Germain-des-Près, vendredi 7 mars. Agglutinés devant l’entrée du cinéma de l’étroite rue Guillaume Apollinaire, une bonne centaine d’Ukrainiens et d’amis de l’Ukraine ont fait le déplacement pour tenter d’apercevoir Petro Porochenko et Vitali Klitschko. De passage à Paris, où ils se sont entretenus plus tôt avec François Hollande, les deux favoris de la présidentielle ukrainienne du 25 mai prochain étaient conviés, dans la soirée, à un colloque public organisé par le philosophe Bernard Henri-Levy.
“Je ne sais pas ce que vous faites, vous, ce soir, mais moi je passe la soirée avec mon futur président !”, plaisante une expatriée ukrainienne dans la foule, pressée d’entrer dans la salle, le drapeau ukrainien à la main. “C’est important de montrer que Maïdan est loin de nos yeux mais près du cœur”, explique une autre Ukrainienne de Paris, “heureuse de [se] sentir proche de [son] peuple". “Vivre l’Ukraine libre !”, scande sans relâche un groupe de jeunes arborant des pancartes anti-Poutine. Une fois dans la salle, l’ambiance ne retombera pas.
Moscou “veut reconstruire un empire”
Premier à s’exprimer, Petro Porochenko a d’abord demandé une minute de silence en mémoire des victimes de la place Maïdan. Puis, il s’est attaché à saluer les efforts diplomatiques des Occidentaux. “Aujourd’hui, la position de la France a changé, elle a pris la bonne direction. François Hollande nous a donné l’assurance qu’il sera ferme pour nous aider à préserver la souveraineté de l’Ukraine. Nous réussissons grâce à des gens comme vous, et nous gagnerons car la vérité est de notre côté et que dieu est avec nous”, a-t-il déclaré. “Nous pouvons désormais retourner auprès de nos héros pour leur transmettre votre soutien”, a-t-il ajouté sous des applaudissements nourris.
À moins de trois mois du scrutin, Petro Porochenko et Vitali Klitschko ont mis leurs campagnes respectives de côté pour faire corps contre la menace qui pèse sur la Crimée. Leur mot d’ordre : une Ukraine unie. “Ils [es Russes, NDLR] n’ont rien à offrir, alors ils cherchent des divergences ethniques, culturelles. Mais à ceux qui veulent la partition de l’Ukraine, je leur réponds que leur action a eu l’effet inverse. Les Ukrainiens sont aujourd’hui plus unis que jamais face à la menace d’une intervention !”, a déclamé, pour sa part, Vitali Klitschko, soutenu par des cris de fierté dans le public. Pour l’ex-champion de boxe, les agissements de Moscou ne sont que pure “propagande soviétique”, animée par “le désir de reconstruire un empire où il n’y a pas de place pour ceux qui veulent être libres.”
Création d’un Forum Europe-Ukraine
Animateur grandiloquent de la soirée, BHL a profité de l’occasion pour exhorter la société civile à poursuivre la mobilisation, notamment en signant “l’appel de Paris pour une Ukraine libre”. Un texte co-signé par Bernard Henri-Lévy, Petro Porochenko et Vitali Klitschko. Le philosophe a également annoncé la création d’une organisation européenne dédiée au suivi de l’après-crise. “Poutine reculera et retirera ses sales pattes de l’Ukraine. À partir de ce jour-là, il faudra reconstruire [...]. C’est pourquoi nous avons créé le Forum Europe-Ukraine, afin de travailler sur le long terme.”
À la tête de ce projet : Сonstantin Sigov, directeur du European Research Center, présent sur scène aux cotés de Bernard Henri-Lévy pour expliquer le but de la manœuvre. “Les suites de la Révolution orange [en 2004, NDLR] ont été kidnappées et dévastées. La révolution du Maïdan doit faire mieux.” Il estime que le Forum Europe-Ukraine contribuera à s’assurer que les politiciens qui prendront le relais de la contestation populaire respecteront l’éthique de Maïdan.
La soirée s’est achevée sur un vibrant hymne national ukrainien, lancé par le public et repris solennellement par Petro Porochenko et Vitali Klitschko, côte à côte, la main sur le cœur. La foule, elle, est ressortie électrisée et les yeux brillants d’espoir.